Le Pitch
Présentation de l'éditeur
" On est souvent venu me demander si les chansons que j'écrivais étaient autobiographiques - ce à quoi des années durant, et invariablement, j'ai répondu non en toute sincérité. Mais les années passant, je m'aperçois que peu à peu elles le sont étrangement devenues - autobiographiques. Et pourtant, à l'époque, je n'ai pas écrit ce que j'avais vécu, mais les situations que j'ai décrites ont fini par m'arriver comme si ma plume avait rêvé mon futur. Chaque jour qui passe me rapproche de mes anciennes chansons ; elles me ressemblent et, je le crois, m'habillent parfaitement. Elles témoignent des grands moments de ma vie et. oui je le confesse, elles témoignent aussi des grands moments de la vôtre. Pourquoi le nier, cher public, je vous ai atrocement pillé ! Sans remords et sans honte et, au contraire, avec une grande amitié, j'ai puisé dans vos amours, dans vos joies, dans vos espoirs, je me suis imprégné de vos tristesses, de vos problèmes et de vos déceptions. Ce qui fait de moi le premier pirate du monde et cela bien avant l'arrivée d'Internet ! Il y a de chacun d'entre vous dans mes ouvrettes [.] Il faut dire que depuis tant d'années, nous partageons une belle et longue histoire d'amour, vous et moi. " Charles Aznavour
Extrait
Vingt-huit mai deux mille treize, à bord d'un avion d'Air France. Je reviens d'une tournée en Amérique latine - Argentine, Brésil, Chili, Pérou et Uruguay -, mon hublot m'offre un ciel noir, je ne dors pas, ma tête fonctionne à toute allure. Quel peut être le futur d'un homme de quatre-vingt-neuf ans si ce n'est court et fragile ? Que me reste-t-il à vivre et à accomplir ? Les propositions ne manquent pas, mais aurai-je encore longtemps la force de tenir en scène ? Régulièrement les doutes m'assaillent, à quels bouleversements dois-je me préparer ? Je dois penser à être raisonnable et si je n'envisage pas de prendre ma retraite (oh le vilain mot), en revanche je veux prendre du recul, cela me paraît plus élégant et plus approprié à ma personne. Je ne peux m'imaginer ne rien faire, devenir un légume par choix, pouah ! Non, j'irai jusqu'au bout de mon mandat terrestre. Et au-delà, si c'est possible. Impossible n'est pas français, n'est-ce pas ? Cela devrait bien s'appliquer à moi qui suis né ici et qui, de surcroît, ai été naturalisé, comme on dit. Mes projets futurs : une comédie musicale pour Broadway sur Toulouse-Lautrec, «Vive la vie !», une pièce musicale en France sur le thème de la femme et retour aux États-Unis avec un spectacle autour de mon répertoire de chansons... Tout bien réfléchi, il me faudra respecter ces contrats en cours, faire aboutir au mieux ce qui est en travaux avant de songer à me retirer au calme, à l'ombre fraîche de mes oliviers de Provence, là où depuis peu je me suis fait de nouveaux amis et où j'entretiens l'espoir de dépasser le cap qui fera de moi un centenaire.
Je voyage, je voyage direction Atlanta, ville d'Autant en emporte le vent. Je chatouille mon iPad et réveille mes souvenirs. Je quitte tout juste le Québec, pays pour lequel je garde une grande tendresse et où, j'en suis sûr, survivront longtemps les échos de mes folies de jeunesse, de ces années vagabondes et merveilleuses... En cinquante ans, Montréal est passé du statut de grande ville de province à celui de mégacité, agglomération moderne et pétillante, tendue vers son futur ; ses rues fourmillent de jeunesse et d'idées, elles sont en mouvement perpétuel. Pas de doute, le Québec mérite bien son surnom de «nouvelle France», comparé à notre «vieille francophonie». Au lieu de se reposer sur leurs lauriers, en vivant sur la grandeur passée, nos dirigeants, ceux qui sont chargés de la culture et des arts les premiers, seraient bien avisés de venir voir ce qu'il se passe ici, qu'ils viennent prendre la mesure de l'amour de ce peuple pour sa mère patrie, son drapeau, son hymne national, sa fierté d'être québécois avant même que d'être canadien. Il y a là-bas une leçon à p