Le Pitch
Présentation de l'éditeur C'est vous qui nous avez envoyés ici - tisser vos toiles, construire vos portails magiques, enfiler le chas de l'aiguille à soixante mille kilomètres/seconde. On bosse pour vous. Pas question d'arrêter, ni même doser ralentir, de peur que la lumière de votre venue ne nous réduise en plasma. Tout ça pour que vous puissiez sauter d'une étoile à la suivante sans vous salir les pieds dans ces interstices de néant infinis. Serait-ce donc trop demander que vous nous adressiez la parole de temps en temps ? L'impact de l'évolution, du génie génétique, je connais. Je sais à quel point vous avez changé. J'ai vu ces portails donner naissance à des dieux, des démons, des choses qu'on ne peut espérer comprendre et dont je doute qu'elles aient un jour appartenu à l'espèce humaine : des extraterrestres brûleurs de dur, j'imagine, profitant des rails posés derrière nous. Des conquérants. Voire des exterminateurs. Peter Watts L'Ile Extrait C'est grave docteur ? Le pronostic vital est engagé ? A vrai dire, au regard de ce que l'on entend ça et là à propos de l'état de santé de la science-fiction en France, la question mérite qu'on s'y arrête. Sauf qu'à question simple, réponse complexe, naturellement. Et avant de se lancer dans des débats sans fin, encore faut-il s'entendre sur ce dont on parle. Il y a d'abord la science-fiction en France et la science-fiction française, ce qui n'a rien à voir. Il y a aussi la science-fiction et les rapports qu'elle nourrit avec le reste des littératures de genre (l'amalgame est souvent fait entre la S-F et ses voisins de table que sont la fantasy et le fantastique, voire le polar). De même, il y a la science-fiction et l'âge des publics qu'elle touche, et comment elle les touche. Enfin, il y a la science-fiction au sein du domaine littéraire en général, la place qu'elle y occupe, comment elle s'y trouve considérée, la manière dont s'y développent (ou pas) les interactions, et l'état du domaine littéraire général lui-même. Il va de soi qu'on ne trouvera pas ici réponse à l'ensemble de ces questions ; il est d'ailleurs à craindre que beaucoup referment le présent Bifrost avec davantage d'interrogations en tête qu'avant de l'ouvrir... Insistons donc une fois encore sur l'ampleur du sujet - au point qu'il s'avère même délicat de détailler la manière dont nous l'avons abordé en ces pages. Car au-delà des trois parties évoquées ci-après, il importe de souligner combien, comme dans tous les Bifrost, cette question, l'état de la science-fiction, sa qualité, est au coeur de notre démarche. Ainsi trouvera-t-on sinon des réponses, à tout le moins des pistes de réflexion quant aux questions évoquées plus haut au sein même de nos rubriques d'actualité - dans l'interview du philosophe Pierre Cassou-Noguès, par exemple, qui interroge les rapports qu'entretiennent fiction, et plus spécifiquement science-fiction, et philosophie, ou bien encore dans les papiers de Xavier Mauméjean et Pierre Stolze, qui, sous des angles différents et à partir d'oeuvres elles aussi très différentes, posent la question fondamentale de la critique de et en science-fiction... Trois parties, disais-je. La première, comme toujours, est consacrée à la fiction. Avec pour ambition, à l'instar de tout numéro de de Bifrosf (sauf exception thématique), de démontrer combien le genre est vivace, combien nombreux sont les auteurs à s'épanouir en ses terres. Car s'il existe une réponse claire à apporter à l'une des questions énoncées plus haut, c'est bien celle-ci : le genre science-fictif n'est pas en manque de talents, loin s'en faut, y compris de talents francophones - n'en déplaise à Gérard Klein, avec lequel je me permets d'exprimer ici mon plein désaccord vis-à-vis des propos qu'il tient plus loin dans nos pages. Oui, la S-F est riche d'auteurs ; non, ces derniers ne partent pas tous et pour toujours vers les territoires prétendument plus fertiles (en euros) de la fantasy ou du fantastique bit lit'. Peter Watts