Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Un matin de janvier 2010, Peter Jacobs, journaliste et écrivain vivant à Londres, débarque à Alfredville, sa ville natale, qu'il a quittée il y a plus de vingt ans. Curieux de voir ce qu'est devenu, depuis la fin du régime d'apartheid, ce gros bourg au cour du Little Karoo, l'une des provinces les plus Afrikaners d'Afrique du Sud. Mais attiré surtout par l'idée d'écrire une série d'articles sur l'assassinat de sa cousine, Desirée. Désirée, une belle jeune femme, diplômée d'une grande université, avait épousé, au grand scandale de sa famille, le chef de la police locale : Hector Williams, un Noir. Qui est bien entendu soupçonné du meurtre de sa femme. Le motif est évident : la jalousie. Et de toute façon, qu'attendre d'autre d'un tel mariage... L'enquête de Peter, dont il nous offre le récit, va durer dix jours. Afflux de souvenirs, rencontres cocasses, constat du peu de changement des mentalités, notamment chez les Blancs, et surtout profond bouleversement affectif. Peter, qui vient de se séparer de son compagnon James, noir jamaïcain, comprend, en retrouvant Bennie, son meilleur ami de jeunesse, que le lien qui les unissait était en réalité beaucoup plus complexe. Or Bennie, devenu policier, et qui dirige le commissariat en attendant le procès de Williams, semble étrangement mêlé au meurtre... Nous voici donc dans une enquête aux multiples rebondissements, mais aussi dans une histoire profondément fascinante, au terme de laquelle Peter, s'il découvre qui est l'assassin, remet sa vie totalement en question, à commencer par ses rapports avec son pays perdu. Michiel Heyns a grandi à travers l'Afrique du Sud et a fait ses études à l'université de Stellenbosch puis à Cambridge. Professeur d'anglais à l'université, il a pu se consacrer pleinement à l'écriture en 2002 après le succès de son premier roman, Jours d'enfance (Philippe Rey, 2010). Un passé en noir et blanc est son troisième roman traduit en français après La dactylographe de Mr James (Philippe Rey, 2012).
Extrait
Mardi 19 janvier 2010
Le Queen's Hôtel s'est cramponné à son nom, mais pour le reste, comme une veuve de cinquante ans qui profite de sa liberté, il a gaiement renoncé à tout ce qui constituait son identité.
Je me rappelle un établissement lugubre et respectable, vivotant grâce à son «Bar et Salon», ce dernier embourgeoisé ensuite en «Ladies Bar». Cependant que, derrière, existait un Bar résolument non européen et non bourgeois, en réalité juste un comptoir où Joyce, la femme de Nathan Friedman, vendait des packs de vin doux et des demi-flacons de cognac. Sur la façade de l'hôtel, à côté de la porte d'entrée, figurait une coupe à Champagne, symbole d'un établissement classé une étoile selon les normes peu rigoureuses de l'époque.
Jouissaient de l'hospitalité du Queen's, ou du moins en bénéficiaient, les représentants de commerce de tout poil qui sillonnaient cette partie du Petit Karoo, appelée aussi le Ghanta, avec Alfredville pour chef-lieu. Qualifier Alfredville de métropole serait abusif, mais lorsque j'y vivais la cité faisait très seigneuriale comparée à ses voisines Barrydale ou Riversdal. On y trouvait la Coopérative du Ghanta, où les vignerons (en réalité de simples fermiers cultivant la vigne) apportaient leur récolte - le pinot du Ghanta connut une brève période de célébrité, après avoir été qualifié par le Guide John Platter de «meilleur vin de sa catégorie» pour l'année 1988. Elle abritait aussi les services publics de la région - y compris l'essentielle Direction des routes qui délivrait les permis de circulation des tracteurs -, situés dans le deuxième plus imposant bâtiment de Victoria Street, la rue principale - le premier, et de loin, étant la blanche église hollandaise réformée, défendue par un canon de la guerre des Boers, canon boer pris par les Britanniques, ou canon britannique pris par les Boers, je ne l'ai jamais su. C'est aussi à Alfredville que se déroulait le Mosbolletjiefees annuel, compétition sou