Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Irak, Vietnam, Algérie : toutes les guerres de libération puisent leurs racines dans la première d'entre elles, celle que les Espagnols livrèrent, il y a tout juste deux siècles, aux armées de Napoléon.
En 1807, l'Empereur, ivre de ses succès, lance ses soldats à la conquête de la péninsule dans ce qu'il croit être une promenade militaire. " C'est un enfantillage, ces gens ne savent pas ce qu'est une troupe française ; croyez-moi, cela finira vite ", déclare-t-il. Six ans plus tard, 110 000 soldats français ont trouvé la mort en Espagne ou au Portugal et la retraite s'achève sous les murs de Toulouse.
C'est un peuple qui s'est levé contre l'envahisseur. Le mot guérilla naît durant ce terrible conflit pour désigner à jamais ce que l'on nommait alors " la petite guerre ". Celle des partisans, des embuscades, des soldats massacrés, torturés ; horreurs dont leurs camarades se vengent sur les populations avec une égale barbarie. La guérilla est aussi urbaine : les sièges des villes espagnoles rappellent ceux de l'Antiquité.
Il faut des mois pour les réduire, rue par rue, maison par maison, en se battant contre les hommes mais aussi les femmes et les enfants. Scènes d'une cruelle modernité qui plongeront les soldats français dans un enfer qu'ils n'avaient pas connu jusque-là. La guerre d'Espagne fut une folie qui rongea l'Empire. Huit personnages ont été choisis pour la raconter : Junot, Soult, Masséna, Dupont, Joseph Bonaparte, Fournier-Sarlovèze, Hugo, Bugeaud.
A travers leur histoire, petite ou grande, ils sont les acteurs de cette " folie espagnole ".
François Malye est grand reporter au Point et auteur d'ouvrages d'enquête, dont le dernier est, en collaboration, Histoire secrète de la Ve République (La Découverte, 2006)
Extrait
Extrait de l'introduction :
LA FOLIE ESPAGNOLE
Il y a tout juste deux siècles, le 18 octobre 1807, les premiers soldats de l'armée impériale franchissaient la Bidassoa et pénétraient en Espagne. Personne ne pouvait imaginer que 110 000 de ces redoutables combattants ne reverraient pas la France et que, six ans plus tard, les survivants, talonnés par les troupes britanniques et leurs alliés, livreraient leur dernière bataille sous les murs de Toulouse. À Sainte-Hélène, Napoléon reconnaîtra qu'il avait commis une immense erreur en se lançant dans cette conquête : «Toutes les circonstances de mes désastres viennent se rattacher à ce noeud fatal ; elle a détruit ma moralité en Europe, compliqué mes embarras, ouvert une école aux soldats anglais. C'est moi qui ai formé l'armée britannique dans la péninsule.»
La guerre d'Espagne fut une folie. Il y eut d'abord celle, purement clinique, de généraux comme Junot ou Fournier-Sarlovèze, soldats à l'esprit ébranlé par les blessures et la furie des quinze années de guerre livrées depuis la Révolution. Mais comment garder la raison après avoir vu tant de charges sous la mitraille, de files de soldats enlevées par les boulets, d'amputations pratiquées à la chaîne ? «Levez la tête, la mitraille n'est pas de la merde», hurle comme un dément le général Lepic à ses cavaliers, quand, attendant la charge, ils rentrent les épaules sous l'orage d'acier qui les décime à Eylau. Le général Dorsenne, dandy de la garde impériale, tourne, lui, le dos aux tirs des batteries ennemies qui creusent des trouées sanglantes dans ses bataillons en leur criant simplement : «Serrez vos rangs !» «J'ai voulu l'imiter [...]. Je n'ai pu rester dans cette position, la curiosité me forçait toujours à regarder d'où partaient les boulets», raconte un combattant. Héroïsme ou névrose ? On ne le saura jamais. La psychiatrie militaire n'existait pas encore.
En Espagne, de grandes fautes stratégiques furent commises par les maréchaux, tous ces hommes que l'Empereur avait comblés de richesses et d'honneurs. «Il nous a ôté trop tôt la besace de sur le dos», dira en 1814 le maréchal Lefebvre avec son franc-parler d'ex-garde-française après l'entrevue des maréchau