Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Dans ce nouveau livre, écrit comme un journal intime, Patrick Sébastien nous confie ses réflexions sur les douze derniers mois. De l’élection du président de la République au décès de son père, en passant par ses rencontres avec les grands de ce monde ou les gens de la rue – ses « vagabonds magnifiques » –, il nous parle du monde tel qu’il le conçoit, et par-dessus tout de sa volonté de donner et de recevoir de l’amour. Un regard sur la vie, la société, ses bonheurs et ses injustices. Plus que jamais saltimbanque, Patrick Sébastien délivre un message chaleureux, révolté, généreux, lucide et humaniste.
Extrait
LE FILM
Juillet 2012. Premier mois.
Aux premiers instants de la grossesse, il faut situer l'environnement général et le cadre particulier. Le paysage dans lequel va se faire la gestation et l'état d'esprit dans lequel se trouve le géniteur. Le grain de la toile et l'humeur du peintre. Pour matérialiser les couleurs du placenta dans lequel l'enfant-livre va prendre vie.
Il sera donc rose et noir.
Parce qu'Hollande est président.
Et que mon papa est mort.
Tellement improbable lorsqu'il y a un an j'ai posé le mot «fin» au bout du dernier livre Les Joyeux guérissent toujours. Sarkozy est parti et mon papa aussi. Une défaite et un aller simple. Une élimination et un retour à l'envoyeur. Et ce putain de temps qui arrache, bouleverse et reconstruit. Et qui manquera à l'appel l'été 2013 quand tu me liras ? Chez moi... Chez toi...
Hollande est président.
Et mon papa est mort.
L'eau a coulé sous les ponts. Sur les ponts aussi. De crues en tempêtes. Du mauvais temps qu'il fait au peu de temps qu'il reste, j'ai vieilli un peu. Quelques rides et du fer. La cuirasse renforcée. Mais la fleur aux dents quand même. Et le sourire aux lèvres obligatoire pour supporter l'insupportable. La décadanse, comme disait mon pote Gainsbourg. Le monde qui valse à l'envers. Les riches de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus pauvres. Le Net de plus en plus flou. De plus en plus fou. Impitoyable et sodomite, puisque aucun d'entre nous n'est à l'abri de se faire «buzzer». Et puis, ça y est, la société de consommation nous a totalement consommés. Sans oublier les bavures, les banlieues, les faillites, les délocalisations, les élections, les sélections, les agressions, les dangers, les risques, le probable, le presque sûr, enfin tout ce que ton journal télévisé du soir te matraque pour être bien sûr que ta nuit sera pleine de cauchemars.
Et aussi, d'écrans plats en salons où l'on cause, tu peux y ajouter la dictature des palabres. Tout le monde s'exprime sur tout. Chacun sa partition de certitudes, de critiques et, le plus souvent, de lieux communs. Une cacophonie orchestrée par une nouvelle race de tribuns : les «donneurs d'avis» professionnels. Omniprésents dans tous les médias, ils accusent, affirment, éreintent. Trop incompétents pour être ministres, trop incultes pour être professeurs, ils assènent leur vérité avec une suffisance de coq. Montés sur leurs ego, ils se disputent la place de prince de la basse-cour. Le sommet du tas de fumier. Cacaphonie, donc !