Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Lorsqu'elle entre officiellement en scène en septembre 2006, après un an de campagne officieuse, Ségolène Royal prend le large en quelques semaines dans la course présidentielle. Une femme, enfin ! Avec son style et son langage, inhabituels dans sa famille politique. Alors que nul ne l'avait vue venir, elle s'impose dans son propre camp, avant de surmonter les obstacles d'une campagne riche en crocs-en-jambe.
Malgré sa volonté hors du commun, en dépit de sondages et d'une conjonctures favorables, elle perdra son pari. Sans jamais prononcer le mot «défaite». Au contraire, «quelque chose s'est levé qui ne s'arrêtera pas», lancera-t-elle.
Quand la députée des Deux-Sèvres, présidente du Poitou-Charentes, a-t-elle cru à son destin ? Comment prépare-t-elle sa revanche, annoncée dès 20 h 02 le soir du 6 mai 2007 ? A quand son OPA sur le PS ?
De sa désignation comme candidate du parti socialiste jusqu'au soir du premier tour des législatives, Christine Courcol et Thierry Masure ont suivi Ségolène Royal jour après jour. Un parcours plein d'imprévus. Leur enquête dans les coulisses de sa campagne, précédée d'un portrait biographique, retrace les combats d'une «femme libre», déterminée à ne jamais renoncer.
Christine Courcol et Thierry Masure sont journalistes politiques à l'AFP.
Extrait
À CONTRE-COURANT
De Ouakam à Chamagne, les débuts d'une rebelle
27 septembre 2006. L'autobus des journalistes suit les voitures de l'ambassade de France vers Ouakam, grande banlieue tranquille de Dakar. C'est un gros bourg plutôt résidentiel de quelques dizaines de milliers d'habitants, au bout de la presqu'île du Cap-Vert, avec une grande vague prisée des surfeurs, des protubérances volcaniques que l'on appelle «mamelles», une grande mosquée et une base militaire où stationnent aujourd'hui encore les forces françaises du Cap-Vert. Le père de Ségolène Royal y était en poste au début des années 1950.
Ségolène est de retour. Elle est arrivée au Sénégal il y a un peu plus de vingt-quatre heures, pour une visite de deux jours. Bien sûr, Ouakam est au programme. Mais on ne va pas s'éterniser : l'école primaire, lieu symbolique, ne mérite quand même pas plus d'une demi-heure.
«Quand j'étais ministre à l'Enseignement scolaire, j'ai fait envoyer des livres à cette école», confie en aparté celle qui, théoriquement, n'est encore candidate à rien. Le directeur, des enseignants, des enfants sont rassemblés dans une classe du bâtiment de plain-pied devant lequel poussent quelques fleurs. Elle tapote la tête des élèves, salue les responsables.
«Je voudrais que l'école prenne son nom», murmure un vieil enseignant. «Nous aimerions vous voir présidente de la République», glisse le directeur. La candidate sourit et poursuit son chemin.
La mer est toute proche, il fait doux, les odeurs tièdes font rêver de vacances. Les journalistes montent dans le bus attendre ils ne savent trop quoi. Ségolène est partie. Ils s'étonnent. «Elle est allée voir sa maison, à deux pas d'ici, glisse un de ses conseillers. Mais avec un photographe seulement ; elle veut une photo juste pour elle.»
C'est ici qu'elle est née, quatrième d'une fratrie qui devait encore s'agrandir. A Ouakam, elle a vécu les deux premières années de sa vie. «C'est très émouvant d'être là, confie-t-elle. Retrouver le lieu de ma naissance, c'est important. Inconsciemment, il y a peut-être un retour aux sources, un besoin de me rapprocher de mes origines, de prendre contact avec quelque chose qui est en moi, profondément.»
Bien qu'elle y ait à peine vécu, elle magnifiera plus tard, du fond de son village des Vosges, l'idée d'être née ailleurs, au-delà des frontières, tout là-bas : «C'est une chance extraordinaire d'être née à Dakar : c'est une ouverture sur le monde. Cette alliance entre le mondial et le local est une richesse extraordinaire dans la tête.» De façon plus générale : «C'est important, le contact avec ses origines. Les racines personnelles font