Le Pitch
Présentation de l'éditeur Deux Parisiens, Nina et Alain, débarquent en Serbie pour y terminer le montage d'un documentaire. Alors qu'ils cherchent un coup de main pour leur film, ils rencontrent un gros producteur, ex-pilier du régime Milosevic qui a produit des films de propagande anti-Otan, et désormais capitaliste ultra-libéral. Ce «Big boss» leur propose de financer un long métrage sur Hedy Lamarr, mythique star antinazie des années trente, avec un casting international. Mais Nina et Alain doivent dénicher d'autres sponsors pour boucler le budget. «Nema problema», pas de problème, comme on dit à Belgrade : les voilà en chasse de financiers du troisième type, nouveaux riches, ex-criminels de guerre, trafiquants en tous genres, politiciens douteux, roulant en limousines blindées, et vivant avec leurs bimbos et gardes du corps dans les villas de luxe de Belgrade, ou sur les plages du Monténégro. Un road-movie burlesque et débridé, très cinématographique, où l'on découvre que l'on peut devenir une vedette en trois semaines, et que dans l'ex-Yougoslavie de l'après-Milosevic tout a changé, sans que rien ne change vraiment : folie, démesure et chaos. Géraldine Beigbeder, d'origine serbe par sa mère, est scénariste. Elle a collaboré avec Luc Besson et Fabien Onteniente. Sponsors est son premier roman. Extrait Darko démarre sa Mustang Cobra. La radio, décibels à fond, crache un air serbe ultra-patriotique de turbo-folk. Encore une chanson de Ceca, la bimbo des années Milosevic, veuve d'Arkan, le criminel de guerre poursuivi par le TPI depuis 1999 pour vingt-quatre chefs d'accusation relatifs aux sévices, meurtres et viols commis à l'encontre des musulmans de Bosnie. L'ancien criminel de droit commun, ex-braqueur de banque, qui a participé au «nettoyage» de Vukovar en novembre 1991, s'en est foutu plein les poches, avant d'être touché mortellement à la tête par une balle tirée d'une mitraillette Heckler & Koch. On l'a retrouvé, bavant son sang dans le hall de l'hôtel Intercontinental, établissement de luxe de Belgrade, un samedi, en fin d'après-midi de janvier 2000. Un meurtre vraisemblablement commandité par l'entourage du dictateur Milosevic aidé de personnes du crime organisé. Ceux qu'on nomme les sponsors. J'ai revu la photo parue dans Glas la semaine dernière. Ceca et son statut de star-icône. Une veuve milliardaire sili-conée, en mini-bikini Versace de strass argenté, prenant la pose sur son yacht Sunseeker Predator avec ses deux mouflets, ses cheveux de jais au vent. Un cul admirable. Une bombe prête à exploser. Elle en jette sacrement, la Ceca. Darko me raconte qu'entre la bimbo et le boucher des Balkans, ça n'a pas été qu'une histoire de cul. Ils s'aimaient vraiment ces deux-là. Une vraie histoire avec des purs sentiments et tout le bordel. Y a pas à dire, ça force le respect. Elle a même mis à la mode la coupe de cheveux du chef de l'unité paramilitaire serbe des Tigres, ajoute-t-il sur le ton de la confidence complice, mais aussi comme pour mettre un terme à tout argument de ma part. Et c'est vrai que la coupe à la Arkan, c'est un must qui fait toujours fureur parmi les jeunes Serbes. Le crâne rasé de près comme une façon de montrer sa virilité. Ce n'est pas parce qu'on se trouve maintenant sur la voie du post-communisme et de la démocratie qu'il faut se laisser aller ! On n'est pas des pédés, merde ! Assis sur le siège avant, Viktor se retourne et fait passer la bouteille de rakia. L'aiguille du chronomètre bascule d'un coup vers la droite jusqu'à cent quatre-vingts kilomètres à l'heure. Les turbines du moteur se mettent en branle dans un boucan d'enfer. Crissement des pneus sur le bitume. Lancés à pleine vitesse, nous sommes parés au décollage. Plaqué contre le siège en cuir, Alain me lance un regard vaguement inquiet, comme dans l'avion pour Belgrade. Il a toujours eu peur des décollages. Moi, ce sont plutôt les atterrissages qui me vrillent le ventre. Viktor a dû sentir mon appréhension, il m'explique