Le Pitch
Présentation de l'éditeur Qui sait ce que vit, chez elle, la fille discrète assise au fond de la classe ? Oui sait de quoi sont capables ce palefrenier qui n'a l'air de rien, cette petite écervelée qui tombe amoureuse comme on s'enrhume, et ce collégien en stage à la préfecture ? Et qui sont vraiment ces adultes que l'on croise souvent : le principal du collège, le copain de papa, le patron de maman et cette gentille nounou experte en gaufres ? Un jour, il se passe quelque chose de fort, quelque chose d'inattendu. Et il faut agir. Il faut faire un geste de courage, d'entraide. Ne rien lâcher, et même savoir se sauver ! Neuf histoires pour sortir de sa bulle. Neuf histoires pour casser la solitude. Née en 1968à Paris, Hélène Vignal vit à Briard, près de Poitiers. Elle a travaillé dans beaucoup d'endroits différents : librairie, préfecture, mairies, écoles, agences de publicité, centres de vacances, cabinet médical, associations... Elle a publié son premier texte au Rouergue en 2005, Le Grand Concours, et publie depuis dans les différentes collections de romans et d'albums. Extrait Chiens de garde Mardi 01 :17 J'entends les souris courir et ronger les cloisons. Maintenant que tout le monde dort, je me lève et j'enfile mon blouson. Le noir. Je mets mon casque et un bonnet dessus. Je prends ma lampe frontale. Tout à l'heure dans la cuisine, après avoir tout rangé, j'ai préparé mon sac avec tout le nécessaire. J'ouvre très doucement la porte et je sors dans la nuit. Je marche. Vite. Pour m'occuper l'esprit, je révise ma leçon de géo. Sous la Finlande, du nord au sud et dans l'ordre : l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie. Je marche d'un bon pas. La Slovénie est un pays du Sud. Sud/Slovénie, les deux commencent par un S, ça, je m'en souviendrai. Dans mon MP3 j'écoute 50 Cent. Personne ne sait où je suis. Je pense au sourire de ma mère à mon réveil. Du temps où elle me voyait me lever. Du temps où elle souriait. 01 :42 Je suis presque au but. Je m'arrête, je sors le matériel de mon sac puis je m'engage dans la rue étroite. Je l'entends déjà. Il est là. Ses aboiements féroces, sa gueule avide de chair à déchiqueter, ses muscles puissants. Il se jette contre le frêle grillage, comme chaque fois que je passe là, depuis que ses maîtres ont emménagé. Mais, aujourd'hui, je ne change pas de trottoir, je n'accélère pas, je m'arrête et je scrute ses petits yeux stupides en repassant le film des dernières heures. La veille 17 :11 Je rentre à pied comme chaque fois qu'il y a un contrôle à réviser. Ces jours-là, je préfère jouer la montre, et marcher avec mon sac de quinze kilos sur les épaules plutôt que de prendre le bus. Quitte à passer devant le chien fou. A cet endroit, la rue est étroite et quand le molosse se jette sur la clôture avec sa gueule ouverte et la bave qui vole autour, je sais que ma vie ne tient qu'à un fil de fer. Aujourd'hui, je tente le diable, je ne traverse pas la rue, je passe tout près du portail et observe la sonnette dorée équipée d'un visiophone sur lequel je lis le nom des occupants. Puis je longe le domaine. Le chien a un regard vide et si ce tout petit grillage cède, j'espère juste qu'il trouvera vite ma carotide pour abréger mon supplice. On ne survit pas à l'attaque d'un monstre pareil. Mais je m'en moque. J'ai ce contrôle à réviser et si ce colosse pouvait s'échapper du jardin de luxe où il monte la garde sur la maison de luxe, s'il pouvait me dévorer tout cru comme un mets de luxe, et m'épargner un contrôle de plus, alors ce serait parfait. 17 :52 Mon père revient des courses et s'affaire dans la cuisine. En désignant un petit jerrycan rouge sur la table il me lance, déterminé : - Avec ça, on sera tranquilles ! Je regarde le bidon bardé d'un pictogramme menaçant : une croix noire sur fond rouge. - C'est quoi ? - De la mort-aux-rats ! (...)