Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Antonin est un de ces ados bien dans sa peau qui n'arrête cependant pas de s'interroger : c'est quoi le "sens de la vie" ? Comment on fait pour la réussir ? L'observation des adultes qui l'entourent ne le rassure pas. Des parents plutôt mutiques qui ne voient pas que leur fille aînée, soi-disant parfaite car elle est une excellente élève, sombre dans l'anorexie. Un oncle, Max, vieux soixante-huitard, qui ressasse les souvenirs de sa jeunesse révolutionnaire, alors que sa vie actuelle est celle d'un vieux célibataire vivant dans une chambre de bonne. Quant au clochard au regard intense qu'Antonin croise tous les jours en bas de chez lui, il a l'air de cacher bien des choses. Une nouvelle fois, Irène Cohen-Janca nous emporte dans un roman plein d'énergie, drôle et pertinent sur l'époque, dans la veine de Fashion Victim, son plus beau succès.
Extrait
Longtemps, je me suis levé en retard.
Ça vous rappelle quelque chose ? Moi aussi mais je ne sais pas quoi. En tout cas c'est par cette phrase que je commencerais si un jour j'entreprenais le récit de ma vie pitoyable.
Et c'est reparti !
J'ai déjà expliqué cinquante fois à ma mère que de faire avancer comme ça les horloges ne servait à rien. Ou plutôt si.
A croire toujours qu'il te reste des poignées de minutes quand, en réalité, t'es déjà en retard de milliers de secondes.
Une dernière fois je plonge ma cuillère dans le bol de céréales, essuie d'un revers de main le lait tiède et vaguement écoeurant qui dégouline de ma bouche, enfile mon blouson et jette un ultime coup d'oeil vers la pendule qui, même avec ses dix minutes d'avance, m'accuse encore d'être en retard.
Bon, c'est comme le reste, ce que je peux dire, on s'en tape !
Mon oncle Max, qui a fait Mai-68 comme d'autres ont fait la guerre de 14-18, résume ça d'une formule : «Avant Mai-68, c'était ferme-la ! et maintenant, c'est cause toujours tu m'intéresses.»
Je dois être à peu près le seul au lycée à connaître cet épisode joyeux de l'Histoire de France. Mai-68. Un printemps pas comme les autres qui a marqué au fer rouge ceux qui l'ont vécu et ne s'en sont toujours pas remis. Ceux qui n'ont plus vu dans le futur qu'une longue et morne plaine succédant à ce printemps ardent, ceux qui n'ont pas voulu rentrer dans le rang et abdiquer. Comme tonton Max. Max le libertaire.
Des heures durant, Max peut parler de tous les interdits qui empêchaient la jeunesse de vivre sa vie, de jouir de l'existence et surtout des filles.
Depuis que je suis petit, je l'entends me répéter :
- Mon petit Antonin, n'oublie jamais, Mai-68 n'éclate pas en période de disette, ce n'est pas une révolution pour obtenir une augmentation de salaire, plus de biens de consommation, bagnole, télé, ni même plus de démocratie, c'est une révolution pour... ? Et comme dans un duo d'opérette, je réponds :
- Pour entrer dans le dortoir des filles, cher maître !
Biographie de l'auteur
Née en Tunisie, Irène Cohen-Janca est conservateur de bibliothèque en banlieue parisienne. Elle a publié de nombreux livres dans les différentes collections du Rouergue jeunesse. Elle a également publié plusieurs titres chez Actes Sud Junior.