Présentation de l'éditeur Qu'est-ce qui rend Heinrich si différent, et pourquoi doit-il se cacher des Autres et du soleil ? Dans un pays semblable au nôtre, on chasse les "enfants du diable", on leur vole leurs cheveux ou pire, on les démembre, car leur chair est réputée pouvoir servir de talismans aux Sorciers. Inspiré d'un fait de société véridique, la chasse dont sont victimes les albinos dans certains pays d'Afrique, Le Garçon talisman est avant tout le récit d'une traque, durant laquelle un adolescent apprend à sauver sa peau au risque des pires dangers. Une belle réflexion sur la "différence". Un roman noir entre polar et fantastique. Extrait Heinrich Je suis en train de faire ce qui est le plus interdit au monde, pour les gens comme moi : tendre le visage au soleil, offrir le terrain nu de ma peau au rayonnement et à la chaleur. M'en fous. Sous mes paupières, c'est carnaval, la fête foraine et le quatorze juillet : c'est rouge, jaune, bleu, noir, ça se forme et se déforme, ça se fait et se délite, c'est invraisemblable, on dirait le travail d'un graphiste bourré d'amphétamines. De temps en temps j'ouvre les yeux droit sur le soleil. J'y vois trouble, avec la saleté de vue que j'ai. Dans mon dos, la chaleur emmagasinée dans le métal du container irradie mes muscles tendus. Sous mes cuisses et mes mollets, les gravillons ne me font plus mal. Ils se sont incrustés dans ma chair, y ont creusé leur place et feront partie de moi jusqu'à ce que je me relève, jusqu'à ce que je les chasse du revers de la main. Ça fera un peu mal, un picotement le temps que le sang revienne et réinvestisse tout son territoire. ( Que c'est bon ! Les autres savent-ils quelle chance inouïe ils ont ? Bien sûr que non, ils n'en ont aucune, mais alors aucune idée, même. Je n'ai pas besoin de regarder ma montre pour savoir que ça fait au moins un quart d'heure, et que je suis en train de me mettre en danger de mort. Mais le danger de mort, j'y suis, en plein dedans, depuis toujours, alors... Un nuage... quelques nuages et c'est encore meilleur... on attend que la chaleur revienne... on trouve ça un peu long, on est tenté d'ouvrir les yeux, pour se renseigner sur la taille du cumulus, évaluer la longueur de l'attente, mais non, on préfère avoir la surprise, et on a bien fait, parce que c'est déjà fini, le soleil revient, il est là, entier, plein, gros, on prend toute la chaleur en pleine face, on finit par sentir un peu d'humidité perler, aux tempes, et au-dessus de la lèvre. Je n'ai rien sur la tête, j'ai viré ma casquette et bien lissé mes cheveux en arrière, pour le sentir partout, pour que chaque atome de moi en profite. J'ai ouvert ma chemise de façon raisonnable, remonté mon pantalon au-dessus de mes genoux et roulé mes chaussettes jusqu'au bord de mes chaussures de chantier. Biographie de l'auteur Florence Aubry est née en 1968, elle vit près de Narbonne où elle se partage entre l'enseignement et l'écriture. Elle est l'auteur d'une quinzaine de romans pour adolescents au Rouergue.