Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Le 9 mai 1950, Robert Schuman propose la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, jetant ainsi les bases de la construction européenne. Mais les obstacles sont nombreux, en particulier les tentations de repli nationaliste. Ainsi, en décembre 1978, Jacques Chirac, Premier ministre, lance l'" Appel de Cochin " dans lequel il affirme sa défiance à l'égard des institutions européennes. Mais le débat n'est pas récent : en 1932, Stefan Zweig démontrait comment la lutte entre nationalisme et supranationalisme rythmait l'histoire de la civilisation européenne depuis l'Antiquité. Des discours qui ont marqué l'Histoire, par des figures d'exception.
Extrait
«Une Europe pour la paix»
Déclaration de Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, Quai d'Orsay, 9 mai 1950
Lorrain, chrétien, solitaire et secret, mais surtout marqué par sa double culture, française et allemande, Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères de la jeune IV République est persuadé que le continent européen ne connaîtra la paix que le jour où l'Allemagne et la France seront liées inextricablement par des mécanismes économiques et institutionnels qui maintiendront les deux pays dans une interdépendance étroite. Le samedi 29 avril 1950, en soirée, son directeur de cabinet lui a confié un court mémorandum sur l'avenir du paysage politique européen ; Robert Schuman est immédiatement conquis. La note, signée Jean Monnet, est le fruit d'une réflexion collective de l'équipe du Plan de modernisation et d'équipement de la France mis en place par le général de Gaulle. Le projet est concret : en attendant la réalisation des États-Unis d'Europe, Jean Monnet propose de créer un ensemble franco-allemand pour l'extraction du charbon et la production de l'acier, deux matières essentielles pour le développement industriel d'un pays moderne. Cet ensemble serait géré par une autorité supranationale, de façon à construire un système d'intérêts communs rendant impossible une rupture entre les deux pays. Mais comment faire accepter un tel projet aux opinions publiques et aux responsables politiques ?
En France, beaucoup veulent faire payer l'ennemi héréditaire défait et l'affaiblir à tout jamais en récupérant, comme prise de guerre, une partie des richesses de la Ruhr et de la Sarre. De son côté, l'Allemagne, pays occupé par les Alliés, cherche à retrouver sa totale souveraineté. Quant aux Américains, ils souhaitent une Allemagne solide pour résister à la pression soviétique. L'ennemi se situe désormais à Moscou. Mais, compte tenu du passé récent, cette nouvelle Allemagne doit être encadrée. De ce point de vue, le projet Monnet-Schuman est un scénario rassurant : il permet à l'Allemagne de se reconstruire, politiquement et économiquement, mais dans un ensemble qui la contraint, la surveille sans la nier en tant qu'État. A Bonn, la nouvelle capitale de la jeune République fédérale allemande, le chancelier démocrate chrétien Konrad Adenauer est convaincu par le projet. A Paris, Robert Schuman sonde quelques amis, présente le projet au Conseil des ministres, puis, très vite, annonce sa mise en oeuvre lors d'une conférence de presse. Et quand un journaliste lui demande : «Alors c'est un saut dans l'inconnu ?», Robert Schuman acquiesce.