Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Le 18 mai 1860, alors que la question de l’esclavage déchire les États-Unis, quatre hommes attendent les résultats du vote d’investiture du tout jeune parti Républicain. Face à trois politiciens renommés d’envergure nationale, c’est contre toute attente le quatrième homme, Abraham Lincoln, un petit député de l’Illinois, qui l’emporte. Quelques mois plus tard, il devient le seizième président des États-Unis, confronté à la plus grande crise que le pays ait jamais traversée : la sécession de onze États du Sud et la guerre civile qui s’ensuivra. À la surprise de tous, Lincoln décide alors de rassembler ses rivaux pour former un gouvernement d’exception qui mènera l’Union à la victoire et délivrera l’Amérique du démon de l’esclavage. Doris Kearns Goodwin conte ici l’histoire de ce quasi-inconnu, autodidacte, « avocat des prairies » sillonnant les plaines de l’Illinois pour plaider dans les villages les plus reculés, et qui a réussi le tour de force de se hisser au pouvoir. Au-delà du génie politique, on découvre le destin d’un homme aux profondes qualités humaines, marqué par des tragédies personnelles qu’il a su dépasser pour transformer en réalité son rêve d’une Amérique unie.
Extrait
Extrait de l'introduction
En 1876, l'orateur Frederick Douglass inaugure à Washington un monument que les Noirs américains ont fait ériger en l'honneur d'Abraham Lincoln. L'ancien esclave déclare à son auditoire : «Il n'est guère utile en cette occasion de faire un long discours et de juger de cet homme grand et bon, de sa haute mission en ce monde. Le terrain a été pleinement occupé, le champ des faits et du mythe a été entièrement glané et engrangé. Chacun peut dire des choses vraies d'Abraham Lincoln, mais personne ne peut dire quoi que ce soit de nouveau d'Abraham Lincoln.»
Douglass, qui prononce son discours onze ans seulement après la mort de Lincoln, n'a pas assez de recul pour mesurer la fascination que cet homme d'État simple mais complexe, habile mais transparent, doux mais à la volonté inflexible, allait exercer sur des générations d'Américains. Durant ces deux siècles qui nous séparent de sa naissance, d'innombrables historiens et écrivains ont exhumé de nouvelles sources, apporté de nouveaux éclairages et approfondi la connaissance du seizième président des États-Unis.
Afin de mieux cerner la personnalité et la carrière d'Abraham Lincoln, j'ai mêlé le récit de sa vie à celui des hommes remarquables qui furent ses adversaires lors du choix du candidat républicain à l'élection présidentielle de 1860 : le sénateur de l'État de New York William H. Seward, le gouverneur de l'Ohio Salmon P. Chase, et l'éminent avocat du Missouri Edward Bâtes.
Lorsque Lincoln est désigné par son parti, chacun de ses illustres rivaux pense que la Convention républicaine a choisi la mauvaise personne. Lincoln semble venir de nulle part. C'est un petit avocat de province qui a accompli un mandat sans faits marquants à la Chambre des représentants et a perdu deux campagnes consécutives pour le Sénat des États-Unis. Ses contemporains attribuent sa désignation très inattendue à sa position modérée sur l'esclavage et au fait qu'il vient de l'Illinois, un État clé. Mais, comme nous le verrons, le triomphe de Lincoln, quand on sait les efforts déployés par ses opposants, doit beaucoup à un sens politique remarquable autant qu'insoupçonné et à une force de caractère forgée dans le creuset de l'adversité.
Après avoir remporté l'élection présidentielle, Lincoln prend la décision inouïe de faire entrer ses concurrents dans son cabinet ; ce seul fait démontre une singulière confiance en soi et une magnanimité particulièrement remarquable. Il nomme Seward secrétaire d'État (l'équivalent du ministre des Affaires étrangères) des États-Unis, donne à Chase le Trésor et à Bâtes la charge de Procureur général (l'équivalent du ministre de la Justice). Lincoln confie les autres portefeuilles importants à trois anciens démocrates : Gideon Welles