Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Sur les traces d'Edgar Allan Poe
A la façon de Caleb Carr dans l'Aliéniste, ou de Matthew Pearl dans le cercle de Dante, Louis Bayard nous propose avec Un oeil bleu pâle un thriller gothique et érudit, d'une intensité rare. Multipliant les énigmes, les fausses pistes, les trompe-l'oeil, il construit une intrigue qui prend racine dans la vie et les oeuvres d'Edgar Poe, au suspense constant et au final éblouïssant. 1830. Landor est un vétérant de la police de New York, désormais à la retraite. Personnage complexe, usé par les années de service et des tragédies personnelles, il répond à l'appel des autorités de l'académie voisine de West Point lorsque la dépouille d'un élève officier, retrouvée pendu, est atrocement profanée. Landor accepte de mener l'enquête et prend pour assistant un élève de West Point, sombre et tourmenté, nommé Edgar Poe. C'est le début d'un terrible voyage au coeur des ténèbres pour les deux hommes qui, lancés sur la piste d'un tueur aussi terrifiant que machiavélique, devront affronter leurs propres démons alors que l'académie entière est prête à basculer dans la folie. Tandis que les cadavres se multiplient, Landor et Poe pénètrent les arcanes mystérieux de West Point, entre sociétés secrêtes et sacrifices rituels, jusqu'à une conclusion aussi stupéfiante qu'imprévisible.
Extrait
Le testament de Gus Landor
Le 19 avril 1831
Dans deux ou trois heures... Il est difficile de savoir... Disons que dans quatre heures au maximum... je serai mort.
Je trouve utile de le préciser, car cela apporte un certain éclairage à la situation. J'éprouve depuis peu, par exemple, un grand intérêt pour mes doigts. Pour cette lamelle des stores aussi, celle qui est un peu de travers en bas. Derrière la fenêtre, une tige rebelle de la glycine, qu'on dirait échappée de sa souche, oscille comme une corde de pendu. Je ne l'avais jamais remarquée. Autre chose : le passé ressurgit avec toute la force du présent. Les gens qui peuplèrent ma vie se pressent en masse à mon chevet. Comment font-ils pour ne pas se télescoper ? Je me le demande. Je vois devant la cheminée un conseiller municipal d'Hudson Park ; juste à côté, ma femme, en tablier de ménagère, ramasse les cendres pour les mettre dans la corbeille. Et qui la regarde faire, sinon mon chien, ce bon vieux retriever du Newfoundland ! Ensuite, dans le couloir : ma mère ! Elle qui n'entra jamais dans cette maison, puisqu'elle est morte quand j'avais onze ans. Et voilà qu'elle repasse mon costume du dimanche.
Une chose paraît curieuse, cependant : mes visiteurs ne s'adressent pas la parole. Ils obéissent, semble-t-il, à un protocole assez strict. Dont je ne comprends pas les règles.
Cela dit, tout le monde ne les respecte pas. Cela fait une heure qu'un certain Claudius Foot me rebat les oreilles avec son histoire. Il hurle. Je l'ai arrêté il y a quinze ans pour l'attaque du courrier de Rochester. Une épouvantable injustice... Il avait trois témoins pour affirmer qu'au même moment, ou à la place, il dévalisait celui de Baltimore ! Et il était fou de colère ! Libéré sous caution, il avait quitté la ville pour y revenir six mois plus tard. Mais il avait attrapé le choléra et, à bout de forces, s'était jeté sous les roues d'un taxi à chevaux. Seule la mort avait réussi à interrompre sa logorrhée. Et aujourd'hui il recommence.
Il y a foule, croyez-moi. Selon mon humeur, selon l'angle des rayons du soleil dans le salon, j'y prête plus ou moins attention. Par moments, je dois admettre que j'aimerais mieux communiquer avec les vivants. Ils se font rares, ces temps-ci. Patsy ne passe plus dire bonjour... Le professeur Pawpaw est toujours à La Havane en train de mesurer ses crânes. Je ne vois d'ailleurs pas ce qui pourrait le faire revenir. Il ne me reste que son souvenir, de vieilles conversations qui défilent dans mon esprit. Un soir, par exemple, nous discutions de l'âme. Je n'étais pas certain d'en avoir une ; lui si. C'aurait pu être amusant de l'éco