Le Pitch
Présentation de l'éditeur
C'est en cherchant à percer les mystères du réchauffement planétaire que les climatologues ont découvert une information essentielle : l'humain est devenu la principale force géologique sur la planète. Et les stratigraphes d'aujourd'hui de se réunir pour déterminer comment traiter cette nouvelle ère dont la brièveté est justement la caractéristique. Car l'Anthropocène est avant tout cela : l'histoire d'une formidable accélération qui nous questionne aujourd'hui sur notre rôle : serons-nous les gardiens de la Terre ou les spectateurs impuissants de notre toute-puissance ? Ce livre est le voyage d'un climatologue, Claude Lorius, pionnier des recherches sur le climat et lauréat du Blue Planet Prize (l'équivalent du Nobel pour les questions écologistes), et d'un journaliste, Laurent Carpentier
Extrait
LES GLACES
Où l'on apprend que le gaz carbonique, qui joue un rôle dans la température régnant sur Terre, est en constante augmentation. Et que l'Antarctique est à la fois une clef de voûte du climat et un poste d'observation privilégié.
Je m'appelle Claude Lorius. J'ai 78 ans aujourd'hui, mais je n'en avais que 24 en ce mois de décembre 1956, lorsque, la veille de Noël, le Norsel, un phoquier puant, graisseux et inconfortable, nous déposa pour la première fois, mes camarades et moi, en Terre Adélie. 1 000 kilomètres séparent le continent antarctique de la pointe de l'Amérique du Sud, 2 500 de l'Australie, 4 000 de l'Afrique. Après de longs jours en mer sur le vieux cargo, après avoir franchi les eaux rendues tumultueuses par la confrontation des vagues de l'Atlantique et les eaux froides du courant qui, en contournant l'Antarctique, en marque les véritables limites naturelles, nous ressentions un immense bonheur à mettre le pied sur ces côtes inhospitalières. Le contact de la glace, les colonies de phoques, d'oiseaux et de manchots, et même le vent glacé étaient une sensation enivrante. Un soleil blafard baignait d'une frange rosée le plateau qui montait devant nous, infini, mystérieux, sans relief. La naissance du monde.
J'avais répondu à une petite annonce placardée à l'université : on recrutait de jeunes chercheurs pour des campagnes d'exploration. Je n'étais qu'étudiant alors et je passais beaucoup de mon temps sur les terrains de football, un atavisme familial (un de mes frères évoluait en équipe internationale B) qui avait deux mérites : faire travailler l'esprit d'équipe et maintenir en forme physiquement. Pour ces campagnes, on enrôlait des gens résistants. Pour être sélectionné, j'envoyai donc une photo de moi en tenue de footballeur - équipe de France universitaire. A quoi cela tient de partir pour l'aventure ? A une forfanterie ? Au hasard ? Je fus accepté. Et puis, entre une mission au Sahara et un travail d'explorateur dans les régions polaires, j'avais choisi, jeune géophysicien, les rigueurs extrêmes du continent blanc.
Examens médicaux, ablation de l'appendice, préparation physique et morale. Je sentis très vite que cette histoire-là n'était pas comme les autres. Il y a une vraie communauté des "polaires", des gens qui se frottent à ces latitudes extrêmes. On me fit rencontrer Paul-Émile Victor, puis Bertrand Imbert, qui sera le responsable des programmes français de l'Année géophysique internationale, et aussi Georgi et Fritz Loewe. Les deux hommes étaient des rescapés d'un hivernage historique à la station Eismitte, au centre du Groenland, en 1931 - tout juste un an avant ma naissance. Mais, quand on a 23 ans, on écoute les anciens d'une oreille et l'on se dit : "On va se débrouiller." On n'est jamais vraiment préparé à son destin.
Revue de presse
Expert en glaciologie, Claude Lorius donne dans ce livre d'entretiens le récit de ses pérégrinations et de ses réflexions sur le devenir de la planète...
Dans ce livre passionnant, Voyage dans l'anthropocène, fruit de ses conversations avec le journaliste Laurent Carpentier, rencontré dans les neiges du Groenland, le savant racon