Le Pitch
Présentation de l'éditeur
En plein coeur du Caire, l'immeuble Yacoubian, véritable personnage principal du roman, est prétexte à raconter tout un pan de l'histoire égyptienne, des années 1930 à nos jours. Porté à l'écran par Marwan Hamed en 2006, ce livre est devenu un phénomène éditorial dans le monde entier.
Extrait
Cent mètres à peine séparent le passage Bahlar où habite Zaki Dessouki de son bureau de l'immeuble Yacoubian, mais il met, tous les matins, une heure à les franchir car il lui faut saluer ses amis de la rue : les marchands de chaussures et leurs commis des deux sexes, les garçons de café, le personnel du cinéma, les habitués du magasin de café brésilien. Zaki bey connaît par leur nom jusqu'aux concierges, cireurs de souliers, mendiants et agents de la circulation. Il échange avec eux salutations et nouvelles. C'est un des plus anciens habitants de la rue Soliman-Pachas. Arrivé à la fin des années 1940, après ses études en France, il ne s'en est plus jamais éloigné. Pour les habitants de la rue, c'est un aimable personnage folklorique, vêtu été comme hiver d'un complet dont l'ampleur dissimule un corps maigre et chétif, une pochette soigneusement repassée et assortie à la couleur de la cravate dépassant de la poche de la veste, son fameux cigare à la bouche - du temps de sa splendeur, c'était un luxueux cigare cubain, maintenant il fume un mauvais spécimen local à l'odeur épouvantable et qui tire mal -, son visage ridé de vieillard, ses épaisses lunettes, ses fausses dents brillantes et ses cheveux teints en noir dont les rares mèches sont alignées de gauche à droite pour cacher un crâne dégarni. En un mot, Zaki Dessouki est un personnage de légende, ce qui rend sa présence attachante, et pas totalement réelle, comme s'il pouvait disparaître d'un moment à l'autre, comme si c'était un acteur qui jouait un rôle et dont on savait qu'une fois la représentation terminée il allait enlever ses vêtements de scène pour reprendre ses habits de tous les jours.
Revue de presse
Si l'Egypte était un immeuble, ce serait L'Immeuble Yacoubian. Son architecte s'appellerait Nasser, et l'agent immobilier chargé de nous le faire visiter Alaa El Aswany. Un romancier qui ne bonimente pas, El Aswany ! A chaque chapitre, c'est un pan de façade qui s'effondre et un nouvel aspect de la société égyptienne qui se révèle brutalement. Sans tabous, mais sans cruauté non plus... Hypocrisie, corruption, mensonge à tous les étages : L'Immeuble Yacoubian, qui a connu un très grand succès en Egypte, est un roman sociologique, donc politique, dans un pays où les deux plans ne sauraient être séparés. Un roman qui dévoile, mais qui n'est pas une entreprise de démolition pour autant... (Olivier Pascal-Moussellard - Télérama du 25 janvier 2006)
L'Immeuble Yacoubian est l'un de ces somptueux bâtiments du centre-ville du Caire, vestige de la splendeur disparue de l'Egypte cosmopolite de la première moitié du XXe siècle. S'y sont installées, au gré de l'exode des étrangers, de la révolution nassérienne, puis de l'affairisme des nouveaux riches et de l'afflux des ruraux, des populations hétéroclites dont la cohabitation improbable symbolise le mélange social explosif du Moyen-Orient d'aujourd'hui. C'est Pot-Bouille de Zola ou Passage de Milan de Michel Butor, dans une société devenue folle, où la cupidité et la misère se côtoient avec une sourde violence dont se nourrit l'islamisme armé...
Par la fécondité de sa veine, Alaa El Aswani évoque la tradition réaliste du roman populaire égyptien moderne, qu'a incarnée un Naguib Mahfouz - peignant de grands chromos contrastés qui ont inspiré d'innombrables feuilletons télévisés et productions cinématographiques locales...
Mais là où le roman populaire ou le feuilleton diluent la critique sociale dans la chansonnette et folklorisent la misère pour la rendre souriante, Alaa El Aswani subvertit les canons de cette fiction convenue pour en faire un diagnostic sans concessions du drame que vit la société é