"Et malgré la réflexion, la raison, le discernement, le bon sens, je ne pouvais pas méconnaître la voix d'une espèce de désir sourd, qui s'était faufilée en moi, comme honteuse d'être si insensée, et pourtant de plus en plus obstinée : je voudrais vivre encore un peu dans ce beau camp de concentration."De son arrestation, à Budapest, à la libération du camp, un adolescent a vécu le cauchemar d'un temps arrêté et répétitif, victime tant de l'horreur concentrationnaire que de l'instinct de survie qui lui fit composer avec l'inacceptable. Parole inaudible avant que ce livre ne la vienne proférer dans toute sa force et ne pose la question de savoir ce qu'il advient, quand il est privé de tout destin, de l'humanité de l'homme.Imre Kertész ne veut ni témoigner ni "penser" son expérience mais recréer le monde des camps, au fil d'une impitoyable reconstitution immédiate dont la fiction pouvait seule supporter le poids de douleur.Cette œuvre dont l'élaboration a requis un inimaginable travail de distanciation et de mémoire dérangera tout autant ceux qui refusent encore de voir en face le fonctionnement du totalitarisme que ceux qui entretiennent le mythe d'un univers concentrationnaire manichéen. Mis au ban de la Hongrie communiste, ignoré par le milieu littéraire à sa parution en 1975, Etre sans destin renaît après la chute du mur. Enfin reconnu, Imre Kertész a, depuis, reçu plusieurs prix prestigieux tant en Hongrie qu'en Allemagne.Biographie de l'auteurImre Kertész est né dans une famille juive de Budapest le 9 novembre 1929. Il est décédé dans la même ville le 31 mars 2016.Déporté à l’âge de quinze ans à Auschwitz, il est ensuite transféré à Buchenwald puis au camp de travail de Zeitz. Il est libéré en 1945.Après avoir obtenu son baccalauréat en 1948, il commence à travailler en tant que journaliste pour le quotidien Világosság, puis il est licencié en 1951 quand le journal est proclamé organe du parti communiste. Après la barbarie nazie, il affronte le communisme totalitaire.C’est à partir de 1961 qu’il travaille au roman Être sans destin (Actes Sud, 1998), dont l’écriture lui prendra dix ans. L’ouvrage finira par paraître dans une petite maison d’édition en 1975. Son expérience des camps de concentration le marque profondément et imprègne toute son œuvre.En 1988 paraît Le Refus (Actes Sud, 2001), et en 1990 Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas (Actes Sud, 1995).Ecrivain de l’ombre pendant quarante ans, il vit avec sa femme dans un studio minuscule, en marge de la société hongroise, et gagne sa vie en rédigeant des comédies musicales et des pièces de boulevard. Après la parution de son premier roman, il effectue également des traductions (il a notamment traduit Nietzsche, Freud, Hofmannsthal, Canetti et Wittgenstein).Après la chute du Mur, il confie la gestion des droits de ses œuvres à un éditeur allemand. Dans les années 90, par l’intermédiaire de la version allemande de son œuvre, à l’élaboration de laquelle il participe avec minutie, il acquiert petit à petit une grande renommée, d’abord en Allemagne, puis dans le monde entier. En 2002, il reçoit le prix Nobel de littérature.La maladie de Parkinson dont il est atteint depuis 2000, constitue un nouveau défi tant physique que psychique. Cette expérience de la souffrance détermine la suite de son œuvre, la transformant en affrontement radical. C’est ainsi qu’il publie Sauvegarde, journal 2001-2003 (Actes Sud, 2012) première partie de son dernier opus L’Ultime Auberge (Actes Sud, 2015), qui rassemble l’ensemble de ses journaux de 2001 à 2009.
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