Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Avant d'être un événement historique autonome entre la Seconde Guerre mondiale et le 11 septembre 2001, la Guerre froide est d'abord une période qui trouve ses racines en Europe dès 1914 et se prolonge pour l'essentiel jusqu'en 1991. Au terme de la Première Guerre mondiale qui ravagea l'Europe, deux événements bouleversèrent l'équilibre du monde. De l'Ouest était venu le secours qui avait permis de mettre fin au conflit : avec d'énormes réticences, les États-Unis quittaient leur isolationnisme traditionnel pour imposer leur modèle capitaliste au monde. Presque concomitamment, à l'Est, à la frontière entre l'Europe et l'Asie, prenait forme une révolution d'apparence mondialiste : il en résultait une Union soviétique communiste qui suscita autant de fascination que de détestation dans une Europe meurtrie et déchirée. A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, les deux puissances se retrouvèrent confrontées. Débuta alors une nouvelle ère, faite de compétitions dans tous les domaines de la société : idéologique, culturel, industriel, militaire, économique, spatial. Mais il serait réducteur de résumer ce face-à-face à un enchaînement de crises et de conflits larvés et à la peur d'une apocalypse nucléaire : ces effets ont agi en profondeur, régissant l'ordonnancement d'un monde qui se mondialisa de plus en plus à l'abri de cette bipolarité d'apparence.
Directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement et membre du Centre régional universitaire lorrain d'histoire, Gérald Arboit est spécialiste des relations internationales contemporaines et l'auteur de plusieurs études sur le renseignement. Il a notamment participé au Dictionnaire de la Guerre froide (Paris, Larousse, 2008), dirigé par Claude Quétel.
HISTOIRE
Une collection de référence pour parcourir l'Histoire, des origines à nos jours, grâce au texte synthétique d'un historien et à une riche iconographie (150 à 200 documents) complétée d'une cartographie spécifique.
Extrait
L'AVANT-GUERRE FROIDE
Peut-on simplement résumer la Guerre froide à un affrontement entre deux superpuissances ? Ou bien faut-il y voir un basculement géopolitique majeur qui marque les bornes chronologiques d'un court XXe siècle ? Dans les deux cas, cette période correspond à la fin de l'européanisation du monde, en cours depuis la fin du Moyen Age, au profit d'une mondialisation, non seulement des relations internationales, mais aussi de l'organisation des sociétés. C'est tout l'enjeu de ce conflit hors norme ! Il impose à l'Europe, aux termes de deux atroces guerres civiles, aux allures mondiales (1914-1918, 1939-1945), une paix idéologique, fondée sur la partition en deux d'une Allemagne rendue responsable de tout. Cette acception est celle généralement admise par les historiens. Ils font débuter la Guerre froide entre 1943 et 1947, au moment où l'alliance contre l'Allemagne nazie laisse la place à une méfiance envers la Russie soviétique. S'interroger sur cette méfiance revient à poser la question de la validité de cette périodisation. Elle fait débat dans la communauté historienne, mais l'ouverture relative des archives de Moscou montre que l'idéologie n'a jamais été le moteur de la politique étrangère soviétique. La Guerre froide apparaît alors comme la lutte entre deux modèles d'ordre international, dont la portée pourrait être comparable à celle de la Réforme et de la mise en place du modèle westphalien (1520-1648). Ce dernier s'achève en 1919 avec les projets de sécurité collective et d'organisation aux velléités transnationales. Dès lors, la succession d'un nouvel ordre international et la fin de l'histoire d'essence européenne suggèrent un avant-Guerre froide, commençant deux années plus tôt, avec le double événement majeur de l'entrée en guerre des États-Unis d'Amérique et des révolutions russe et centre-européennes (1917-1923).
Le tournant de 1917-1918
La Première Guerre civile européenne entraîne la Belle Epoque dans l