Le Pitch
Présentation de l'éditeur Une autobiographie en couleurs, réalisée par l'artiste. Un livre riche d'intimité, de joie, d'espoir et de faits inédits, entièrement créé par l'artiste mondialement connue. Depuis l'âge de vingt ans, j'ai essayé toutes sortes de psychothérapies. Je cherchais une unité intérieure que je ne trouvais que dans le travail. Je voulais pardonner à mon père d'avoir essayé de faire de moi sa maîtresse lorsque j'avais onze ans. Mais dans mon coeur, il n'y avait qu'une rage et une haine farouches. D'écrire «Traces» et de me remémorer m'ont aidée à changer mon paysage intérieur, et à réaliser que mon père était une personne très complexe. J'ai découvert aussi qu'à de nombreux égards, je lui ressemblais : son humour provocateur, son goût du risque, sa passion pour le travail et ses idées progressistes, je les partage. L'écriture a permis à mes yeux intérieurs de s'ouvrir. Grâce à elle aussi, j'ai pu prendre de la distance, pardonner et poursuivre ma route. Niki de Saint Phalle Extrait SOUVIENS-TOI MON FRÈRE JEAN Jean, tu es l'aîné, tu es né à New York le 1er mai 1928. Moi, je suis née à Paris le 29 octobre 1930, une année après ce qu'on a appelé le «Mardi Noir», le jour du grand krach boursier, quand la Grande Dépression commença. Pendant que Maman m'attendait, elle découvrit l'infidélité de Papa. Elle pleura pendant sa grossesse. J'ai senti ses larmes. Elle me dirait un jour que c'était de ma faute. La culpabilité, en effet, jouait un grand rôle dans l'éducation chrétienne que je reçus. Saint Phalle & Company était une entreprise boursière du New York Stock Exchange. Elle avait été fondée en 1920 par les frères de Papa, Claude et Fal de Saint Phalle. Les autres frères, François et Alexandre les rejoindraient plus tard. Papa, André de Saint Phalle, naquit en 1906. Il était le huitième enfant et le septième fils de Pierre et Catherine de Saint Phalle. En 1926, il rejoignit la firme de ses frères à New York, il commença à travailler avec eux et se forma. La compagnie Saint Phalle fut parmi les premières à vendre les actions américaines à l'Europe. Elle avait même des bureaux sur les paquebots transatlantiques qui allaient en Europe. Excellents vendeurs, les frères avaient une importante clientèle dans beaucoup de villes européennes. Grâce à cela, ils gagnaient beaucoup d'argent. La société tournait à fond. Tout le monde gagnait de l'argent. Même les gens modestes plaçaient leur argent en bourse. Voyant ce succès, les Européens voulurent s'y associer. Tout le monde pensait que le millénium était arrivé. Et puis, un beau jour, le pays s'éveilla au spectacle d'une massive banqueroute. Les actions avaient commencé une chute vertigineuse. Il n'y avait pas d'ordinateurs à l'époque, donc savoir ce qui se passait n'était pas facile. Les entreprises n'arrivaient pas à maîtriser l'information. A la suite du «Mardi Noir», la compagnie Saint Phalle subit d'énormes pertes, plus d'un million de dollars, somme alors astronomique. Après ce choc énorme et ceux, plus petits, qui suivirent, le capital de la firme diminua de moitié. Habilement, les frères réussirent à résorber leurs pertes et à remettre leurs affaires à flot. Quand, plus tard, Ivar Kruger acheta une très grosse part dans l'affaire et y devint majoritaire, mes oncles et mon père furent ravis. Ils se crurent alors sauvés, car Ivar Kruger, qu'on appelait «le roi des allumettes», était si riche qu'on le connaissait pour avoir prêté de l'argent à plusieurs gouvernements. C'était un agile manipulateur, et on le disait l'homme le plus riche du monde. À leur grande surprise, Ivar vira les frères Saint Phalle, à l'exception de Claude et Alexandre. Papa avait vingt-quatre ans quand Ivar le mit à la porte. Il était déjà complexé d'être le plus jeune parmi ses frères qui avaient connu un si grand succès. Il alla travailler dans la firme Fenner & Beane. C'est là qu'il apprit à devenir un excellent agent de change. Ivar Kruger se suicida en 1931, et l'on découv