Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Le Gauleiter Robert Wagner s'était engagé auprès de Hitler à "germaniser l'Alsace en moins de cinq ans". De 1940 à 1945, "le bourreau de l'Alsace" a réalisé l'annexion de fait de la province au IIIe Reich, ordonné l'incorporation de force de cent mille Malgré Nous alsaciens, décidé l'exécution des évadés de Ballersdorf et des résistants de la Main Noire, orchestré l'embrigadement des jeunes garçons et filles dans les organisations paramilitaires du RAD... Un effrayant bilan !
Nazi de la première heure et serviteur zélé de Hitler, le Gauleiter Wagner exerça un pouvoir sans partage, cumulant les fonctions de chef de l'administration civile et de représentant du gouvernement de Berlin, avec un raffinement cruel et un soin méticuleux, poussant l'idéologie nationale-socialiste à son paroxysme - parfois jusqu'a la caricature. Au printemps 1946, son procès et celui de ses complices mirent en émoi toute l'Alsace, sortie traumatisée de la guerre. Jamais Wagner n'émit le moindre regret. Au moment de son exécution, il s'écria même : "Vive Hitler ! Vive l'Alsace allemande !"
Grâce à un remarquable travail d'enquête dans les archives françaises et allemandes, mené en grande partie avec les dossiers du procès, Jean-Laurent Vonau dresse le portrait d'un nazi fanatique, véritable incarnation du Mal.
JEAN-LAURENT VONAU, spécialiste d'histoire du droit, est professeur émérite à l'Université de Strasbourg. Vice-président du Conseil général du Bas-Rhin, ce passionné de mémoire et de patrimoine a créé notamment la Société d'histoire de l'Alsace du Nord; il fut également l'un des initiateurs du Mémorial de l'Alsace-Lorraine à Schirmeck. Il a publié à La Nuée Bleue deux ouvrages de référence sur la Deuxième Guerre mondiale, " Le Procès de Bordeaux" et " L'Épuration en Alsace", et a contribué à l'ouvrage collectif "Tambov".
Extrait
Avant-propos
L'Alsace des années brunes
L'Alsace des années grises, des années sombres, des années noires - des années de guerre, des années où, au bruit des bottes claquant sur le macadam ou le pavé, défilaient la Wehrmacht ou les SA en uniforme brun, d'une couleur indéterminée, un brun tirant sur le jaune... Certes, il y eut aussi les SS tout de noir vêtus et également chaussés de bottes, avec une tête de mort juste au-dessus de la visière de leur grande casquette, mais il était plus rare qu'on les vît. La Gestapo surveillait tout, infiltrait partout ses personnages discrets coiffés de chapeaux mous, portant de longs manteaux de cuir et conduisant des tractions avant noires.
Tout s'était obscurci du jour au lendemain lorsque l'armée française s'était retirée en désordre de la plaine d'Alsace et que l'on avait vu arriver en ville les longues colonnes des prisonniers de guerre venant des ultimes défenses de la ligne Maginot et des poches de résistance établies dans les Vosges. Un ordre nouveau s'était alors installé, presque spontanément après la débâcle, tentaculaire, suspicieux, autoritaire et brutal ; décidément, ces Allemands-là ne ressemblaient plus à ceux que l'on avait connus avant 1918, et encore moins à ceux de 1870. C'était la peste brune ! Celle contre laquelle il n'y avait pour le moment rien à faire : puissante et disciplinée, elle dominait tout et tous. Sous la croix gammée, les Alsaciens courbaient l'échiné - que pouvaient-ils faire d'autre ? Les autorités françaises n'étaient plus présentes, De Gaulle était loin, replié en Angleterre, et eux, en première ligne, subissaient.
Face au chêne, le roseau pliait, mais il conservait le fol espoir qu'un jour un vent, un ouragan soufflant de l'ouest déracinerait le chêne d'un coup, d'un bloc. La victoire pourrait dès lors changer de camp, précisément la victoire finale, définitive. Il fallait qu'il en fut ainsi pour que la morale fut sauve, que le Bien s'imposât au Mal et que Justice fût faite.
On pensait à la période d'après-guerre, lorsqu'on jugerait les années brunes et les individus qui en étaient responsabl