Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Moins secrète que discrète, la franc-maçonnerie nourrit d'étonnants fantasmes. L'opinion française la connaît mal. Sait-on qu'aujourd'hui la maçonnerie comporte un nombre important de loges en activité avec un effectif record de frères et de sœurs, et ce dans toute la France? Ou encore que le Grand Orient de France, logntemps largement majoritaire, n'accueille que le tiers des initiés, aux côtés d'autres obédiences plus confidentielles? La franc-maçonnerie est puissante, largement répandue et témoigne d'une capacité d'évolution suprenante. Si l'Eglise romaine et la maçonnerie ont longtemps été adversaires, plusieurs entretiens récents, oraux ou écrits, très peu médiatisés, témoignent d'un évident rapprochement entre clercs et maçons... Paul Pistre dévoile ces conversations inédites dans cet ouvrage et vous y livre une définition de ce qu'est la franc-maçonnerie au XXIe siècle.
Extrait
Extrait de la préface d'Émile Poulat
Voilà que je me retrouve au milieu du livre car son auteur m'a demandé par amitié de le préfacer, et que je m'y retrouve au milieu d'amis avec lesquels il a établi des relations privilégiées. À ce titre, je me dois de répondre à son amitié en restant fidèle à moi-même.
Plusieurs principes ont toujours guidé mes publications. Tout d'abord, on ne doit parler que de ce qu'on connaît sérieusement et méthodiquement, sans avoir lésiné sur les investissements nécessaires à cette fin. En second lieu, il ne faut pas s'enfermer dans sa tour d'ivoire, mais rencontrer tout le monde, parler avec tout le monde, à commencer par tous ceux qui, à un titre ou à un autre, sont partie prenante de la recherche entreprise. Au bout du compte, être persuadé que cette volonté d'une recherche poussée et de bonnes relations ne suffira jamais à réconcilier des acteurs divisés aussi profondément sur le fond des choses et historiquement séparés par la culture où ils baignent.
Deux certitudes fortes soutiennent ces principes. La première : si toutes les convictions humaines ne sont pas également respectables, malgré ce qu'en dit notre actuelle Constitution, toute personne humaine a droit à la liberté de conscience, sans que le respect de cette liberté et de son expression ne m'oblige à approuver tout ce qu'il pense et tout ce qu'il fait, à charge de réciprocité. La seconde : ce respect partagé conduit à une connaissance réciproque et à des désaccords assumés au-delà des préjugés et, pire, de la violence, dont les guerres de Religion demeurent le paradigme. La réconciliation des esprits est sans doute une utopie, ou une eschatologie. La pacification des esprits est davantage à notre portée, par des voies multiples, privées ou publiques, par le droit comme par la politesse marchant de pair avec ce que Norbert Elias appelait «la civilisation des moeurs».
Dans ma conduite personnelle comme dans ma conduite professionnelle, j'ai toujours réglé toute ma vie sur ces principes et ces certitudes, qui me sont devenus une seconde nature. J'en ai payé le prix, j'en ai recueilli le bénéfice. Je n'ai jamais dévié de cette ligne, ni douté de son bien-fondé. La préface que m'a demandée Paul Pistre, qui oeuvre depuis des années au rapprochement des catholiques et des maçons, en est un nouvel aboutissement.
Le véritable point de départ est ici ma thèse en Sorbonne, en 1962, sur «la crise moderniste», ce choc d'une violence que nous n'imaginons plus entre la culture laïque moderne et la culture catholique classique, particulièrement en matière d'exégèse biblique et d'histoire des origines chrétiennes. La condamnation romaine était tombée solennellement en 1908 sous la pression, disait-on, des intégristes. Mais qui étaient ceux-ci ? Ce fut la suite de ma recherche : je découvris tout un monde, opposé aux immortels principes de 1789 et au monde issu de la Révolution française, antimoderne, antilibéral, antisocialiste, antimaçonnique. Ce sentiment d'une incompatibilité radicale cristallisait sous la forme d'un co