Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Un serial killer dans une paisible ville de province plus vouée aux bains de mer qu'aux bains de sang.
Une beauté vénéneuse qu'on reconnaît à sa fleur de gardénia.
Un air de jazz pour rythmer une enquête forcément improvisée, envoûtante et noire.
Et pour couronner le tout, un détective amateur qui n'a rien d'un dur-à-cuire.
«Le polar et le jazz mauvais genres longtemps marginalisés, étaient décidément faits pour se rencontrer. Et Royan, la ville idéale comme décor à ce très beau texte.»
(Comité de lecture du Croît vif)
Professionnel de l'image, Jacques-Edmond Machefert aime les mots et le jazz. A partir de 1996, il publie plusieurs romans teintés d'humour noir. En 2011, il apporte sa pierre à la sauvegarde du patois saintongeais en participant à un ouvrage collectif publié au Croît vif, L'Air du Pays. Koyan Garden Blues constitue son oeuvre la plus magistrale.
Extrait
Ce fut comme un courant d'air frais dans une chaude nuit d'été. Le soupçon d'un parfum connu mais pas encore identifié. Un frôlement soyeux, un murmure, une vibration. Rien de plus. La brume odorante allait-elle se dissiper, abandonnant Marc à sa maîtresse de toujours, la musique ? Si une voix n'avait pas accompagné le phénomène, il aurait pu croire que rien ne s'était passé. Non, rien de rien. Mais deux mots furent prononcés, suscitant un mélange de crainte et de curiosité. Le désir ne viendrait que plus tard, avec le rappel du passé. Avec la nostalgie...
Juste quelques minutes avant, tout semblait normal, habituel pour ne pas dire routinier. Il se frayait un chemin dans la foule qui ne lui accordait pas la moindre attention. Aux alentours de vingt et une heures, le bar ne tournait pas encore à plein régime, mais le public y stationnait un moment avant d'entrer dans le temple de la musique. Le temps pour les habitués de se retrouver, de prendre des nouvelles de la famille, de commenter l'actualité politique royannaise toujours féconde, d'enterrer quelques futurs morts. A l'approche de la porte, sa haute taille lui permettait d'embrasser l'ensemble de la salle de concert avec ses tables à quatre ou six places installées en demi-cercle face à une modeste estrade dominée par une affiche noire assumant fièrement sa couleur : Jazz in Vaux. Sur la scène, un piano et son tabouret, une contrebasse couchée sur le parquet, une batterie debout sur un tapis, micros, retours, bouteilles d'eau minérale.
Pas une place libre ; ce n'était pas une surprise. Comme d'habitude, il n'avait pas eu le courage de venir faire la queue la semaine précédente, dans la bruine d'un petit matin gris, pour réserver une table. Réserver une table, façon de parler ; quand on est seul, cet exercice équivaut à prendre une place au hasard, et à se retrouver attablé avec des inconnus. Pour toute la soirée ! Champagne bien frais mais un peu vert en option. En pleine crise de la quarantaine, Marc estimait avoir passé l'âge de jouer à ce genre de loterie. D'autant qu'il pointait parmi les plus jeunes spectateurs. Son copain Michel qu'il apercevait dans la première rangée, s'efforçant de caser son imposante carcasse entre deux tables bien rapprochées, n'était-il pas un jeune retraité à la belle allure sportive à peine entamée par de copieux repas. Certes athlétique, mais retraité quand même le père Michel ! Vous imaginez, un mec qui était maître-nageur au club Mickey, plage de Pontaillac, dans les années soixante, et qui a enseigné la natation à un petit garçon promis au glorieux avenir de président de la République. S'il avait pu deviner, le copain Michel...