Le Pitch
Présentation de l'éditeur
La fascination qu'exercent tatouages et tatoueurs sur le narrateur l'a conduit à dessiner pour l'un d'eux, son ami Dimitri. Mais il a longtemps résisté à offrir sa peau aux poinçons et à l'encre. C'est une phrase latine sur les heures qui passent Vulnerant omnes, ultima necat, (toutes blessent, la dernière tue), qui le fera changer d'avis et bouleversera son existence. Dès que Dimitri la lui tatoue sur la poitrine, il devient un autre homme dans ses rapports aux femmes, au temps, à l'existence. Mais très vite l'encre des premiers mots pâlit et, étrangement, son sang en fait autant...
Dans une langue dense et puissante, Stéphanie Hochet écrit une fiction aux marges du fantastique, une méditation sensuelle sur le sang et l'écriture, la peau et la mémoire, les traces et l'oubli.
Extrait
Effets de mode : bracelet tribal, étoiles, patronymes (Beckham, Scarface, Soprano...).
Lettres chinoises dans le cou - éviter le cou si c'est une première fois.
Pistolets : liner, shader, magnum. Machine bruyante ou silencieuse. Encre. Qualité des noirs. Pigments purs, noir dense, la rareté justifie le prix. Capsules d'encre. Gants. Dettol, alcool. Cellophane.
Sur le ventre, envie de vomir.
La sensibilité des côtes empêche de penser. Malléole, clavicule, plexus, coudes et aisselles : douleurs mémorables. La sensation qu'un ongle, lentement, vous griffe. La brûlure évoque un objet célèbre et inoxydable, instrument d'une précision tranchante : le scalpel... Le plus pénible est le remplissage, la coloration point par point de l'espace entre deux traits. Il est conseillé de ne pas être à jeun.
Je n'avais cessé d'y penser. Depuis au moins vingt ans. La tentation avait crû avec les années. Le tabou qui l'entourait ne l'avait pas affaiblie, au contraire. Sans ce tabou familial, j'aurais plus vite cédé, tourné la page. Ça n'aurait pas mérité que je m'y attarde. Le tabou a hypostasié le fantasme.
À l'âge de 15 ans, j'avais songé à des emblèmes totémiques, des gueules de loups, des signes claniques. Je me rêvais en chef de gang, en leader de parti politique. Les idéologies me donnaient des frissons, le pouvoir, oui, il s'agissait de ça. À ce moment-là, je me sentais insensible à tout. Cette année, j'avais été hospitalisé pour une maladie grave. Enfermé pendant des mois dans une chambre, mes pensées avaient tourné à vide. C'est alors que j'avais commencé à dessiner. Toutes les pages de mes cahiers étaient recouvertes d'armes, de croix. Des croix qui n'étaient pas des symboles chrétiens.
J'ai guéri, je ne suis plus ce garçon obsédé par le culte du chef, la guerre et les théories qui veulent la justifier. Guérir n'a pas concerné que mon corps.
J'ai tourné le dos à la fièvre des conflits, mais je conserve le goût des croix et des tatouages. Ce goût-là, je ne le perdrai jamais. Si on peut jamais dire jamais.
Un jour j'y céderais, j'en étais sûr. Ce serait symboliquement fort comme le service militaire, le dépucelage, le mariage et la mort. Dans plusieurs civilisations, le tatouage constitue un rite de passage pour le jeune qui accède à l'âge adulte. Même en retard sur mon horloge biologique, je n'avais pas dit mon dernier mot. Le faire, oui, restait à savoir où, quand, par qui, et surtout quoi. J'observais ceux que je voyais chez les autres. Les leurs me semblaient bâclés. Ridicules. Est-ce que ces personnes avaient profondément réfléchi au sens, au genre que ça leur donnait ? S'étaient-ils décidés sur un coup de tête ? N'étaient-ils pas déçus après coup ? On ne peut pas poser ouvertement ces questions mais je n'en pensais pas moins. À leur place, je n'aurais pas placé là cette étoile, d'ailleurs, je ne l'aurais pas dessinée de cette façon. Encore un moment de réflexion autour du dessin.
Quatrième de couverture
La fascination qu'exercent tatouages et tatoueurs sur le narrateur l'a conduit à dessiner pour l'un d'eux, son ami Dimitri. Mais il a longtemps résisté à offrir sa peau aux poinçons et à l'encre. C'est une p