Le Pitch
Présentation de l'éditeur
1951, la guerre froide, le maccarthysme et les rouges, l'amour et la vengeance, en avoir ou pas : United Colors of Crime n'est pas une publicité pour la mafia, c'est l'histoire vraie de Chaim Chlebeck, alias Ryszard Morgiewicz. Dandy qui dégaine trop vite, Chaim se retrouve en cavale au Texas, dans un décor de western : Indiens, shérifs, voyous, tueurs maîtres-chanteurs et momie, morts en tout genre. Entre fiction et réalité, United Colors of Crime më[e aventure, amour et politique à un rythme infernal.
Auteur, dans une première vie, d'une trentaine de romans, dont Un petit homme de dos et Vertig (Prix Wepler 2005), Richard Morgiève s'est aperçu en 2009 qu'il avait perdu, en cours de route, son identité. En ouvrant un tiroir, il a retrouvé son acte de naissance. Il était né Morgiewicz, comme cet oncle supposé mort à Monte Cassino, qui lui a inspiré Chaim. United Colors of Crime est un voyage littéraire et romanesque vers ces origines oubliées.
Richard Morgiève est né à Paris un 9 juillet 1950, en plein maccarthysme de l'autre côté de l'Atlantique. Sa mère meurt d'un cancer quand il a sept ans, son père se suicide quand il en a treize. Cela semble mal parti à première vue. Ce qui est certain, c'est qu'il en a gardé un appétit de vivre, vite. De travailler beaucoup aussi, à des tas de métiers différents plus jeune : déménageur, ouvrier, mécanicien, peintre en bâtiment, plâtrier, standardiste, chauffeur de poids lourds.
Extrait
Une bête s'arrête, effarée par cette chose de lumière qui la cloue sur la route en terre. Chaim ne connaît pas le nom des bêtes en anglais mais celui du fric et de la mort oui. Il ralentit, éteint les phares. Les rallume, la bête s'enfuit dans le ciel bleu qui tombe de partout sur la poussière.
Chaim est fatigué. Il a quitté New York lundi, aux premières heures de l'aube, dans la Fleetwood de Bobby. Il l'a abandonnée à Youngstown. Il a marché, pris un taxi et puis un car pour Colombus, un autre pour Indianapolis, Saint Louis, Jefferson. Là, mercredi après-midi, il a acheté six chemises blanches, un rasoir, une brosse à dents, un sac de sport en cuir et toile marron, une Buick Roadmaster 48, noire. Springfield, Oklahoma City, Vernon, Lubbock, Amarillo, Roswell, Hobbs, Eunice, Jal. Pas la ligne droite, c'est la trajectoire de la balle dans le dos. Des zigzags pour brouiller sa trace, mettre mat les échos radar. Quelques arrêts pour les pleins, manger, remplir le thermos de café. Ça lui plaît de conduire, il se sent libre. Il aime l'odeur des moteurs, des habitacles, le tableau de bord, les aiguilles des compteurs, les boutons. Les voitures vivent et meurent comme les hommes.
Toute une journée accablante et maintenant que le soleil baisse sa bannière, il abandonne sur la scène une torpeur hostile, sans promesse d'humidité, sans aucune promesse d'ailleurs. Pas la bonne latitude pour les missionnaires. Le Nouveau-Mexique laissé en arrière, la radio se met à grésiller. Elle ne veut plus capter les signes de la civilisation. Comme lui, Chaim. Il va vers le Mexique, par le cul du Texas pour éviter la foule. Après Monahans, il croise un Indien en costume à carreaux qui court, menotte à la portière d'une Ford rouillée. Le ciel est rouge, écrasant. Chaim a conscience de s'enfoncer dans le corps d'une histoire crépusculaire, un monde dont il ne soupçonnait pas l'existence.
Depuis le Pécos, il roule sur une piste, ça fait une demi-heure. Parfois un cahot vient apporter de la réalité au cheminement de la voiture, ou c'est un chevalet de pompage, un pumpjack (le pétrole partout à flots). Chaim a le sentiment de rouler sur le pont d'un gigantesque porte-avions échoué sur les fonds d'une mer asséchée, engloutie. La lune se débarrasse de son masque de nuages, elle plane au-dessus de la citadelle de pierre qui domine l'horizon et le flanc gauche du plateau.
Sur le mur d'une ruine qui surgit, on a peint : «LA BOMBE SUR TOUS LES RATS ROUGES.» Chaim ne pensait pas que la guerre froide