Le Pitch
Présentation de l'éditeur
900 000 majeurs sous protection juridique en France. Autant de proies potentielles pour les réseaux spécialisés dans les abus tutélaires. Valérie Labrousse a recueilli de nombreux témoignages et enquêté pendant dix ans sur cette véritable mafia où l’omerta est de rigueur. Professionnels de l’immobilier, de la brocante, assureurs, pompes funèbres, banquiers, maisons de retraites, établissements de santé, services à la personne, associations d’utilité publique, municipalités, les prédateurs sont partout, s’immisçant dans toutes les failles d’un système qui roule sans contrôle. Au prétexte de la gestion des vieux, de la menace d’Alzheimer, les connivences s’étendent jusqu’aux rouages de l’État et des institutions, experts, notaires, avocats, médecins, affaires sociales, magistrats. Un système pervers où la maltraitance fait rage. Détournements de patrimoines, mais aussi menaces, violences : le protégé est devenu une victime, les familles sont brisées. Une enquête explosive extrêmement détaillée qui concerne tout le monde, nos parents, nos proches et nous-mêmes.
Extrait
Extrait de l'introduction
Paris, hiver 2007. Je suis à la recherche d'une vieille dame de quatre-vingt-huit ans qui vient d'appeler au secours un collectif luttant contre les abus tutélaires. Un certain Gilles B. serait venu frapper à sa porte, se prétendant envoyé par la SPA. L'association est propriétaire du studio qu'elle occupe, rue Jean-Goujon, dans le 8e arrondissement de Paris. Il aurait tenté de l'intimider, affirmant qu'il voulait absolument «récupérer le bien», qu'elle devait déguerpir. La voilà menacée d'expulsion, elle déjà si seule face à de grandes difficultés financières depuis la mort de son mari, Georges, qui était expert agronome, notamment pour le compte de l'Unesco.
Quelques jours plus tôt, elle s'est rendue au service social de la mairie afin qu'on l'aide à obtenir la pension de réversion de Georges et depuis, plus encore que la précarité, elle craint d'être mise sous tutelle. Cela semble en prendre le chemin. Deux femmes, sans doute des assistantes sociales, se sont déjà présentées à son domicile...
C'est, en général, ainsi que tout commence. Solitude, vieillesse, incurie, aboutissent à un signalement sous la forme d'un rapport d'enquête des services sociaux. Il est adressé au parquet qui transmet au juge des tutelles qui siège au tribunal d'instance. Sur la base de ce rapport et d'un certificat médical établissant que l'individu concerné n'a plus la faculté suffisante pour pourvoir seul à ses intérêts, le juge alors peut prononcer une décision de protection juridique : une mesure d'urgence (appelée mandat spécial ou sauvegarde de justice), une tutelle, ou bien encore une curatelle. Puis il désigne un mandataire pour assister la personne ou la représenter.
Mme Novikoff a, dit-elle, reçu la visite d'un médecin, un neuropsychiatre, qui l'a rassurée d'une drôle de manière, en lui précisant que «la juge des tutelles se chargerait de la reloger ailleurs». Depuis, terrorisée, elle refuse de révéler son adresse, élude tout rendez-vous avec le collectif à qui elle ne donne plus de nouvelles.
Les années passent. Durant l'hiver 2011, je recherche toujours Mme Novikoff, me perdant en vaines déambulations, de portes closes en loges de concierges dans cette rue voisine du Grand Palais. Entre-temps, sur le Net, je découvre un article de Libération du 23 octobre 2009 titré : «Immeuble en solde à la SPA de Paris». Y est relaté un trafic entre le service des legs de l'association et un marchand de biens. La première ayant cédé à bas prix des appartements au second qui les aurait revendus avec une forte plus-value. Le journaliste cite le cas d'un studio de la rue Jean Goujon vendu en 2006 «au prix imbattable de 134 000 euros», avant d'ajouter que «ce logement était certes loué, mais la décote n'aurait pas dû dépasser 30 %». Le marchand de biens s'appelle Gilles B. Ainsi, celui qui s'est présenté au domicile de