Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Après un échange bref et brutal avec un flic de l'Arizona, un homme d'affaires se suicide. La sanction tombe aussitôt. Jules Bettinger, le flic désobligeant mais très décoré, est muté avec femme et enfants dans un trou perdu. À Victory, dans le Missouri. Là, des pigeons morts jonchent les rues et on dénombre plus de sept cents criminels pour un policier. Bientôt dans cette ville glaciale, ce ne sont pas pourtant des pigeons mais des cadavres mutilés que Bettinger va ramasser à la pelle.
Extrait
Ça coince dans les tuyaux
Le pigeon mort vola dans la nuit, frappa Doggie au visage et retomba sur le sol, où ses griffes rigides raclèrent bruyamment l'asphalte tandis qu'il roulait sur le trottoir vers l'est. Des yeux qui ressemblaient à des huîtres rouges se levèrent pour regarder au fond de la ruelle.
Quatre hommes vêtus de costumes bien taillés soutinrent le regard du clochard, l'observant à travers le nuage de buée créé par leur respiration. Le premier du groupe était un grand type noir, celui qui avait fait voler le pigeon d'un coup de pied comme s'il s'était agi d'un ballon de foot.
- Foutez-moi la paix, dit Doggie, bien installé sur un bon morceau de carton.
Les yeux de l'individu le plus proche brillèrent d'un coup, et les narines béantes de son large nez qui ressemblait à celui d'un taureau émirent un jet de buée. À hauteur de son épaule gauche se tenait un Asiatique très mince dont le visage grêlé semblait ne pas être doté des muscles nécessaires à la production d'un sourire.
- Où est Sébastian ? demanda le buteur, dont le pied gauche produisit un autre cadavre emplumé.
Doggie colla son dos au fond de la ruelle.
- Je connais personne qui s'appelle Sébastian.
- N'importe quoi.
Le grand Noir shoota dans le pigeon. Doggie se cacha le visage dans ses mains et une griffe lui entailla la paume de la main droite. Des plumes se détachèrent et voletèrent en tous sens comme des aiguilles transperçant un tissu.
- À Victory, tout le monde connaît Sébastian.
Une idée se mit à parcourir le contenu humide et furieux du crâne du clochard et arriva à la zone de la pensée.
- Z'êtes flics ?
Personne ne répondit à la question.
- En voilà un autre.
Le grand Noir se tourna vers celui qui avait parlé, un rouquin empâté avec des yeux verts très tristes et des vêtements froissés. Devant son mocassin droit se trouvait un pigeon écartelé, on aurait dit un martyr.
- Beau spécimen, fit le buteur.
- Je fais de mon mieux.
Avec.les années, Doggie avait vu beaucoup de pigeons morts dans les rues de Victory.
Le grand Noir enfila des gants sur ses énormes battoirs, se pencha et attrapa l'oiseau mort par la tête.
- T'as faim ? demanda-t-il en contemplant le clochard.
- J't'emmerde, négro.
Des armes apparurent comme par enchantement dans les mains des deux hommes qui se tenaient derrière l'Asiatique marqué de petite vérole, et le grand Noir s'avança vers Doggie, sans lâcher le cadavre du pigeon. Tout au fond de la ruelle on apercevait une rue sombre, silencieuse.
- Les clodos blancs, c'est les pires, fit remarquer le rouquin tout en examinant une petite peau sur son doigt. J'ai toujours préféré les noirs.
Revue de presse
Exécutions à Victory, un polar caméra au poing. Un polar graisseux, poisseux comme l'enfer. Des dialogues au couteau, un humour pulp-fiction, l'auteur, S. Craig Zahler, également scénariste, sait de quoi il parle. La preuve, deux amateurs éclairés ont jeté leurs filets sur l'engin : les acteurs Jamie Fox et Leonardo Dicaprio, ce dernier ayant aussi exprimé le désir de produire le film. C'est dire. En attendant, ce sont près de 500 pages d'une fulgurance noirissime qui vous attendent. A vous de ne pas en rater une miette !...
Victory, c'est la victoire du vice sur la vertu, le mal sur le bien, le désespoir sur l'espoir. Victory ou l'allégorie d'une Amérique en décomposition où les hommes tentent de survivre avec les armes qu'on leur donne. (Karen Lajon - Le Journal du Dimanche du 7 jui