Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Cartouche ! Le nom claque dans l'air et envahit le Paris de la Régence... Après le long règne de Louis XIV, le siècle prend une tournure nouvelle : chacun aspire à vivre intensément et les comportements changent, avec l'expérience du papier-monnaie de John Law. C'est aussi le début des Lumières, où le meilleur comme le pire s'expriment et la délinquance fleurit.
Né vers 1695, Louis Dominique Cartouche est devenu voleur pour plaire à une belle. « Il détrousse les nantis pour redistribuer aux pauvres », dit-on, accentuant son renom. Mais est-ce si sûr ? Avec ses nombreux complices, il défie les quarante-huit commissaires au Châtelet, les vingt inspecteurs, les cent vingt cavaliers du guet à cheval et les trois cents archers de guet à pied qui assurent la sécurité de la capitale. Agissant où bon lui semble - sa petite taille et son agilité lui permettent de se glisser partout -, il brave le lieutenant général de police et devient « l'ennemi public n° 1 ».
Avec François Gruthus auquel il s'associe, il crée deux troupes de plusieurs centaines d'individus qui mettent Paris en coupe réglée. Arrêté puis relâché faute de preuve, Cartouche multiplie les coups audacieux, nargue la police, vole rue Quincampoix... et assassine. « Joueur de cocanche sur les remparts et voleur d'épée la nuit », il est le « roi du pavé de Paris ». Le substitut Gueullette, homme de théâtre et de justice, représentant le pouvoir, écrit sur l'arrêt du Parlement : « C'était le plus habile, le plus adroit, le plus intrépide et le plus déterminé scélérat dont jusqu'alors on eut entendu parler. »
Trahi par son complice, il est de nouveau emprisonné ; cette fois, il sera exécuté le 28 novembre 1721 en place de Grève, devant une foule immense... Cartouche a vécu, mais sa renommée ne fait que commencer.
Gilles Henry, auteur d'une soixantaine d'ouvrages (biographies, dictionnaires,
essais, guides de généalogie), a traqué Cartouche durant les dix dernières années aux Archives nationales, à l'Arsenal, à la Bibliothèque historique de la ville de Paris. Les nombreux documents inédits qu'il a découverts permettent de narrer de manière décisive le roman de la vie de Cartouche.
Extrait
L'interrogatoire
Au soir du 26 novembre 1721, après plusieurs jours de procès en La Tournelle criminelle - tribunal permanent érigé par François Ier -, l'arrêt du Parlement tombe : Louis Dominique Cartouche, dit Lamarre ou Petit ou Bourguignon, et huit complices sont condamnés à mort. L'un d'eux étant décédé dans sa cellule, on décide que chaque accusé subira séparément un interrogatoire.
La procédure est enregistrée par Pierre Amyot, greffier de la Cour en la onzième chambre de la question, assisté de deux huissiers. Aussitôt, les conseillers du roi Vincent Roujault et Noël Arnauld montent jusqu'à la chambre des interrogatoires et font venir Cartouche. Ils lui posent quatre-vingt-huit questions auxquelles l'accusé, sans perdre son sang-froid, répond invariablement : «Non.» Pourtant, y sont intentionnellement mêlés les noms des complices présumés, le lieu des actions de vol et de brutalités, les informations les plus diverses, afin de faire «craquer» l'accusé. Au quatre-vingt-neuvième questionnement : «Dis-nous la vérité», Cartouche répond : «Je suis innocent.»
Aussitôt, les médecins et chirurgiens l'auscultent et décèlent une grosseur à l'aine «qui le met hors d'état de souffrir l'extension» ; alors, ce sera la question des brodequins, torture des plus raffinées, «invention merveilleuse et tout à fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion faible et sauver un coupable qui est né robuste». En effet, le but est de faire subir au patient les souffrances les plus atroces pour obtenir ses aveux ; à Paris, deux manières ont cours : ou bien on étend le corps de l'accusé et on le gonfle d'eau, ou bien on lui écrase lentement les jambes entre des planches ; c'est ce sort qui est réservé à Cartouche. Au long des huit coins que le bourr