Le Pitch
Présentation de l'éditeur
A l'heure où les médias se focalisent sur l'insécurité, où l'accent est mis sur les violences urbaines, en particulier en banlieue, un policier raconte et témoigne. Patrick Trotignon a passé trente ans dans la police, dont vingt-cinq dans le 9.3. D'Aulnay-sous-Bois à Bobigny, il a assisté à la métamorphose de la banlieue, au passage d'une petite délinquance traditionnelle à une véritable criminalité organisée autour de l'économie souterraine et de la drogue. Ce document permet de mieux saisir la réelle détresse d'hommes et de femmes fonctionnaires de police face à la dégradation de leurs conditions de travail et au manque de respect qui leur est accordé. Patrick Trotignon lève un certain nombre de tabous sur le quotidien des policiers - dont le rude contact avec la mort. Il stigmatise certains dysfonctionnements de l'État, évalue les différentes politiques, notamment l'instauration de la police de proximité qui reste pour lui un leurre, tout policier étant par ailleurs "de proximité". Réquisitoire contre la déshérence dans laquelle, selon lui, l'institution est tombée, le livre se veut avant tout un hommage à un métier passionnant, qui permet d'explorer toutes les facettes de la nature humaine.
Extrait
Extrait de l'introduction :
Les bêtes noires de la République
Aujourd'hui, les policiers se sentent très seuls. Mal compris, suspects. Or, on ne devient pas flic pour jouer du revolver, mais parce qu'on n'aime pas l'injustice et qu'on a fondamentalement envie de protéger son prochain. Il semble qu'il soit nécessaire aujourd'hui de rappeler ce genre de vérité, car notre société marche sur la tête. On en est arrivé à un stade où l'on se méfie plus du policier que du délinquant. De nombreux faits récents mettent ce fait troublant en lumière.
La lamentable affaire Taoufik illustre typiquement la situation. Le 22 novembre 2006, un ouvrier maghrébin disparaît à Nantes, après un contrôle de police non loin d'un canal... Il n'en faut pas plus à l'opinion publique et aux médias pour sonner l'hallali. On pressent la bavure, on stigmatise le méchant policier raciste. Quelle stupidité de crier ainsi au loup ! Bien évidemment, à quelques mois d'une échéance nationale majeure, les politiques se saisissent de l'affaire. Le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, somme le ministère de l'Intérieur de faire toute la lumière sur le fait divers. Le procureur de la République de Nantes ouvre une enquête pour «disparition inquiétante». D ne manque au tableau que l'apparition du fringant maître Collard pour défendre la «victime» d'évidents sévices policiers.
Tous les fantasmes nationaux et les préventions contre la corporation des fonctionnaires de police sont présents dans cette affaire. Les gardiens de la paix qui ont procédé à une interpellation banale sont d'emblée des suspects en puissance ; le disparu, forcément une victime née.
Dans la réalité, le corps de l'ouvrier tunisien est retrouvé le 12 décembre dans le canal Saint-Félix. Il est mort par hydrocution et son corps ne porte ni trace de coups ni traumatisme. L'homme, ivre, est tombé dans l'eau. Cela n'empêche pas que l'on place en garde à vue les trois policiers qui l'ont arrêté. Placés sous contrôle judiciaire, ils sont relevés de leurs fonctions et mis en examen pour «faux témoignages et délaissement en un lieu quelconque d'une personne incapable de se protéger en raison de son état physique».
Après avoir été soupçonnés d'être des assassins, les trois hommes sont à présent accusés de ne pas avoir veillé sur un homme saoul.
Ce soir-là, les policiers recherchaient un individu qu'on leur avait signalé, de type nord-africain, avec un bras dans le plâtre pour un vol de portefeuille. Ils ont interpellé Taoufik, qui portait un pull sur le bras. Après avoir constaté qu'il ne portait pas de plâtre et noté qu'il était ivre, ils ont pris son identité et l'ont relâché quelques mètres plus loin. Pour ne pas l'a