Le Pitch
Présentation de l'éditeur
La dynastie des Lytton
Professionnellement, Celia Lytton a de quoi être fière : en vingt ans, elle a transformé une petite maison d'édition londonienne en véritable empire. Sa vie familiale, quant à elle, est plutôt chaotique : elle a du mal à garder la mainmise sur ses cinq enfants... Pourquoi Barty, qu'elle a élevée comme sa propre fille, veut-elle s'éloigner à tout prix ? Pourquoi Kit, son préféré, ne renonce-t-il pas à son amour impossible ? Comment satisfaire les ambitions de Giles, le vilain petit canard de la famille ? Et les jumelles, frivoles et étourdies, sauront-elles faire face à la vie ? Alors que grondent déjà les échos de la Seconde Guerre mondiale, Celia va devoir user de toutes ses forces pour préserver les siens et leur équilibre, coûte que coûte...
Un beau roman, riche en émotions.
Eure Infos
Extrait
Venetia Lytton adorait expliquer à qui voulait l'entendre que le pays tout entier avait pris le deuil le jour de sa naissance.
Si cette déclaration était matériellement exacte (et assurée de remporter régulièrement le même succès), elle n'en donnait pas moins une image tendancieuse de la vérité. Adèle, jumelle de Venetia, mais à l'esprit plus prosaïque que sa soeur, la corrigeait en précisant que leur naissance avait coïncidé avec la mort du roi Edouard VII, à la minute près.
- Peut-être, marmonnait Venetia, mais il n'empêche, c'était un jour terrible. Maman dit que les infirmières pleuraient de plus en plus fort chaque fois qu'elles apportaient un nouveau bouquet de fleurs dans la chambre. Et quand papa est arrivé et que le docteur est venu lui dire bonjour, il avait une cravate noire. Alors, bien sûr, papa a pensé qu'un drame était survenu.
À ce stade de l'histoire, il se trouvait en général quelqu'un, souvent l'un des deux frères des jumelles, pour dire que le drame en question était leur apparition soudaine, à elle et à Adèle, dans un monde qui menait une vie paisible sans se douter de rien. Venetia faisait mine de se vexer, Adèle souriait avec insouciance, puis quelqu'un d'autre changeait de sujet - d'ordinaire une jeune femme qui estimait qu'on parlait trop des soeurs Lytton et pas assez d'elle-même.
Détourner l'attention générale des jumelles n'était pas chose facile. Non seulement elles étaient extrêmement jolies, fort spirituelles, mais en plus elles se ressemblaient d'une façon saisissante. On disait des fameuses jumelles Morgan, Thelma et Gloria (plus connues sous les noms de lady Furness et Mrs Reginald Vanderbilt), qu'on ne pouvait les distinguer l'une de l'autre, à moins d'être assez près pour apercevoir la minuscule cicatrice sous le menton de Thelma, résultat d'une chute en patins à roulettes, autrefois ; les jumelles Lytton n'offraient même pas une telle possibilité. Venetia avait bien un petit grain de beauté sur la fesse droite, ce qui n'était d'aucune aide dans la plupart des situations courantes. Aussi les gens ignoraient-ils à quelle jumelle ils parlaient, laquelle était leur voisine de table, et même avec laquelle ils dansaient.
Les deux soeurs ne songeaient nullement à se plaindre de la situation : au contraire. Au collège, elles en usèrent et en abusèrent, chacune se faisant passer pour l'autre, embrouillant et exaspérant leurs professeurs, jusqu'à ce que leur mère s'en aperçoive. Comme elle s'intéressait de très près à leur éducation et à leur formation intellectuelle (chose plutôt rare pour son époque et sa classe sociale), elle les menaça de les envoyer en pension dans des établissements différents si elles continuaient ; l'idée d'être séparées les effraya tellement qu'elles cessèrent aussitôt leur manège.
Pour leur entrée dans le monde, quelques mois plus tôt, elles avaient porté les mêmes robes de satin blanc, piqué de grandes roses blanches dans leurs cheveux sombres et brillants, coupés à la garçonne. L'effet de miroir était si saisissant que plusieurs invités d'âge mûr se crurent nettement plus ivres que ne pouvait l'expliquer la quanti