Le Pitch
Présentation de l'éditeur
En ce début d'année 2012, Mazarine Pingeot est de ceux, de plus en plus nombreux, qui cheminent au côté du candidat François Hollande. Certains commencent à parler de victoire : Mitterrand aurait trouvé son successeur. Vivre le retour de la gauche, mais cette fois, en pleine lumière, permet à la jeune femme de mesurer le chemin parcouru depuis Bouche cousue.
Être ou ne pas être. Être un secret inavouable, affublé d'un prénom impossible, une vie entre les lignes : une enfant cachée. Être la fille du président Mitterrand ou ne pas être du tout. Être la progéniture adorée à la maison, au sein d'un trio aussi idéal que mythique, mais n'être rien ailleurs – rien, nada, personne. Être la sœur, la belle-fille, la nièce, la cousine, et la tante, d'une ribambelle de frères, belle-mère, oncles, cousins et neveux qui, eux, ne savent pas qui vous êtes. Et puis soudain la lumière, pleins feux ; les flashs, le scandale. Être sa fille, enfin, officiellement. Un objet de curiosité, de suppositions, de préjugés, de rancœur – ne vit-elle pas aux crochets de la République ? De harcèlement aussi, quand les paparazzi campent devant chez elle. Et puis devenir l'héritière morale. Le portrait craché. La représentante. Devenir lui, un peu. Mais jamais soi-même. Comment échapper à ce sortilège originel qui l'empêche d'être autre chose qu'un " bon petit soldat " ? Comment protéger ses propres enfants, comment leur transmettre un héritage à la fois si prestigieux et si tortueux, sans qu'ils en souffrent à leur tour ? C'est sous forme de journal que Mazarine Pingeot a choisi de transcrire ces réflexions, au fil des mois de la campagne présidentielle durant lesquels le combat personnel est sournoisement venu se mêler au combat politique. Reprenant le fil là où elle l'avait laissé il y a sept ans, concluant Bouche cousue sur l'espoir d'un lendemain meilleur, elle fait de son écriture, vibrante et exutoire, le lieu d'une étonnante introspection collective.
Extrait
Le je est un problème
Pour comprendre ce récit qui n'en est pas un, il faut expliquer quelques éléments biographiques, à l'instar des romans de Dostoïevski où l'on peut invariablement trouver une bible qui apprend qu'Aliosha est aussi Alexis, mais aussi Alexéi, mais aussi Alyoshka, Alyoshenka, Alyoshechka, Alexeichik, Lyosha ou encore Lyoshenka, et qu'il est le frère du neveu de la grand-mère de l'héroïne.
Vous-même répondez à plusieurs prénoms et diminutifs - mais comme vous avez du mal à vous nommer, ils n'apparaîtront pas, ou succinctement. Vous êtes l'enfant d'une femme et d'un homme - jusque-là comme tout le monde bien que la science ait fait des progrès en la matière. Cet homme a une haute fonction dans la République, la plus haute en réalité, mais ceci n'est vrai qu'à partir de vos six ans. Par ailleurs il a une femme, qui n'est pas votre mère, mais son épouse officielle, avec laquelle il ne vit plus mais dont il n'a jamais divorcé, et qui l'accompagne dans ses déplacements professionnels ; deux fils de ce lit, que vous n'avez rencontrés qu'à sa mort, mais dont vous connaissiez nécessairement l'existence parce que cette autre famille, officielle donc, passait à la télévision ou apparaissait dans les journaux à ses côtés. Vous, vous regardiez la télévision, mais vous ne pouviez y apparaître avec eux, parce que vous n'étiez pas censée exister. Pour autant, tout le monde ou presque paraît-il, dans un certain petit milieu, connaissait votre existence, ce que vous-même et votre père ignoriez. Il vous a donné un prénom impossible à cacher, aussi avez-vous appris à ne pas le dire pour rester invisible. De là vous vient, certainement, cette difficulté à nommer : vous-même d'abord, vous avez aménagé des ruses pour vous y soustraire. Les autres ensuite, du moins vos proches, ou encore ceux que vous voulez «protéger» (de quoi, c'est là la question) : alors vous utilisez les initiales, pour n'être pas responsable d'un quelconque secret dévoilé. Votre mère é