Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Des années 1950 à 1980, trois décennies de la vie de Louis Delhuis, entre engagement politique, passion de l'écriture et amour des femmes. Un étonnant destin plein de fougue et sans compromis. Suite (indépendante) de la généreuse saga lorraine des Delhuis après Des fleurs à l'encre violette et La Clé aux âmes.
Après guerre, la trajectoire d'un jeune orphelin meurtri, obsédé par le secret de ses origines – " fils de Boche ou d'Amerlock " ? De ses blessures d'enfance, Louis Delhuis parvient à guérir et à se forger un destin, un vrai. Des rencontres décisives (le docteur Schweitzer, l'écrivain Henri Vincenot...), des figures maternelles et fortes (l'arrière-grand-mère Rose-Victoire, la vieille paysanne Angèle...), des amours cosmopolites mais aussi des expériences marquantes, des engagements, un désir d'écriture concrétisé et une ultime confrontation avec l'oncle haï vont conduire Louis vers les chemins de la résilience et de la paix. En filigrane, Gilles Laporte capte toutes les tensions et les exaltations d'une époque foisonnante.
Extrait
1955
Louis replia la lettre, la rangea dans le tiroir de sa table de nuit.
Il actionna la poire pendue à la tête de son lit.
Le noir se fit dans la chambre.
De cette lettre, il aurait pu réciter chaque ligne par coeur avec l'émotion qui lui gonflait la poitrine quand lui revenaient en mémoire les vers de Victor Hugo prononcés quelques mois plus tôt dans la cour de l'école d'Igney, devant le cercueil de l'instituteur Paul Delhuis, son père : Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne/Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne/Ne sont jamais allés à l'école une fois...
Il l'avait tellement lue et relue, cette lettre pour lui et grand-mère Mathilde, que le papier amorçait des coupures aux plis.
Regard perdu dans les ténèbres, il s'en répéta une fois encore chaque mot. Comme toujours, après avoir éteint la lampe.
Ma chère maman, mon cher Paul-Louis,
J'aurais voulu faire un plus long bout de chemin avec vous. Mais le destin en a décidé autrement. Le médecin est formel : mon cancer de l'estomac est incurable. Il aura bientôt ma peau, dans quelques semaines, quelques mois au plus. Mon seul regret : je ne vous ai pas dit assez souvent combien je vous aime. Alors, voilà, un peu tard peut-être : je vous aime de tout mon coeur, de toute mon âme, comme j'ai aimé ma belle petite femme, plus que tout au monde. Quand vous lirez ces lignes, ne soyez pas tristes, car j'aurai retrouvé ma chère Louise. Elle m'attendait quelque part où les hommes ne sont plus des monstres. Je suis maintenant heureux avec elle. Sache, mon fils, que la mort est un mystère - j'aime les mystères ! -, et la naissance un secret. On finit toujours par les percer. Le jour où tu perceras celui de ta propre venue à la vie, fais-en une source nouvelle d'amour pour ta maman qui mérite tout le respect du monde. Toutes les femmes méritent tout le respect du monde que les hommes mériteront peut-être, un jour, quand ils auront cessé de les salir.
Je ne crois pas en ce Dieu des églises. Pas de latin pour moi ! Que votre dernière prière sur mon cadavre soit le poème de Victor Hugo : «Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.»
Je veux que mon corps soit brûlé, et que mes cendres soient versées sur le cercueil de ma Louise, dans la terre de mon pays. Vous y mêlerez celles de ce trèfle qu'elle m'avait offert un jour de grand soleil, en m'offrant sa vie. Puis vous casserez l'urne, en sèmerez les morceaux autour d'elle avant de les recouvrir.
Vivez en paix.
Je vous aime.
Paul-Clément
Biographie de l'auteur
Né en 1945 sur la rive gauche de la Moselle, dans une famille d'ouvriers du textile, Gilles Laporte est un authentique Lorrain. Romancier, biographe, scénariste et conférencier, il consacre toute son énergie de créateur et de conteur à son pays et à ses gens qu'il aime passionnément. Il écrit, raconte des histoires, depuis qu'il sait tenir un crayon. Fidèle à s