Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Allemagne, 1945. L'exécuteur en chef du Royaume Britannique, envoyé en mission, pend la gardienne de camps nazis Irma Grese. Même s'il éprouve un réel dégoût à exécuter des femmes, surtout si elles sont jeunes et jolies, le bourreau fait son devoir : c'est un as dans l'art de la longueur des cordes, un expert dans le minutage de la mise à mort. Pourtant, le reste du temps, c'est un homme comme un autre, époux modèle, bon citoyen.Londes, immédiat après-guerre. Ruth Ellis ressemble à Betty Boop, enjouée et désirable, elle plaît aux hommes, et sans doute les choisit-elle fort mal. Mais derrière son sourire et sa bouche trop maquillée, que cache-t-elle ? Dans le Londres charbonneux de l'après-Blitz, d'entraîneuse, Ruth devient prostituée. Un jour, malheureuse, jalousée, violentée, mais toujours belle, et mère de famille, elle tue son amant, à bout portant. La voici condamnée à la pendaison. Bourreau, fais ton œuvre ! Et si le bourreau avait une âme ? Et s'il répugnait soudain à supprimer une innocente aux boucles blondes ?Dans ce roman envoûtant, reconstitution en cinémascope d'un Londres luisant de « fog » et de pluie, théâtre de vices cachés dans une société bien-pensante, Didier Decoin alterne le chant du bourreau et de la victime. Saisissant.
Extrait
Quand j'opérais sur le territoire britannique, j'organisais moi-même mes déplacements. En cas de météo exécrable - la neige et les pluies verglaçantes avaient sévi de longues semaines au cours des trois premières années de la guerre -, j'empruntais le chemin de fer. Sinon je préférais utiliser ma voiture, ce qui me permettait d'harmoniser mes horaires à ma guise, notamment en roulant de nuit pour arriver tôt le matin précédant l'exécution. Même si le règlement n'exigeait pas ma présence avant seize heures, il me plaisait d'avoir du temps devant moi pour revoir et peaufiner chaque détail du protocole.
Mais cette fois j'étais appelé en Allemagne, ce qui rendait l'avion incontournable.
J'aurais aimé l'éviter, pourtant. Non pas que j'aie peur : la guerre finie, l'appareil ne risquait plus d'être pris pour cible, et les conditions de vol étaient cette nuit-là particulièrement bonnes, du moins pour un mois de décembre : 1945 était bien partie pour figurer dans les archives de la météo comme l'année la plus sèche et la plus chaude depuis 1873. A quoi s'ajoutait que le DH84M Dragon était l'un des bimoteurs les plus sûrs de son époque.
Mais cet avion me rappelait une triste histoire : dix ans auparavant, les deux jeunes filles du consul des États-Unis à Naples avaient pris place à bord d'un Dragon semblable à celui qu'on allait mettre à ma disposition.
Elles s'envolaient pour la Sicile où leurs fiancés, pilotes dans la Royal Air Force, venaient de se tuer dans un accident d'hydravion. Après que leur Dragon eut survolé Capri, Jane et Elizabeth Du Bois rédigèrent une lettre d'adieu à l'intention de leurs parents, elles épinglèrent la lettre au dossier d'un des sièges, puis elles ouvrirent la porte de la carlingue et se jetèrent dans le vide en se tenant par la main.
Les journaux qui rendirent compte du drame ne précisèrent pas combien de temps avait duré le plongeon mortel des deux jeunes filles. Mais j'étais bien certain que leur chute avait excédé de beaucoup les quelques fractions de seconde nécessaires à la mort telle que je la dispensais - une mort par pendaison entraînant la rupture instantanée des vertèbres cervicales.
Depuis quatre heures que l'appareil avait décollé de Northolt, dans l'ouest de Londres, je n'avais pratiquement pas détourné mon regard de la porte, essayant d'imaginer les efforts des deux jeunes filles arc-boutées pour l'ouvrir, luttant contre la pression de l'air. J'ai toujours été effaré par la rage que mettent certaines personnes à en finir avec la vie.
Revue de presse
L'académicien Goncourt a une passion, pas si secrète que cela, pour le fait divers. Et un faible pour les condamnées à mort. Il se penche cette fois sur la d