Le Pitch
Présentation de l'éditeur
La société contemporaine considère d'un mauvais œil les Jeff Koons et autres Damien Hirst qui ne cachent pas leur désir de richesse. Pourtant, des artistes ont toujours créé pour devenir prospères et reconnus. Au XXe siècle, Magritte a "fabriqué" en série ses pipes qui n'en étaient pas. Mais, bien avant lui, Cranach fut le peintre fortuné d'une infinité de Lucrèce, de Judith et autres Vénus, qui se ressemblent toutes – en se reproduisant déjà aui XVIe siècle comme des clones. La "Factory" de Rubens, si elle n'était pas franchement rock'n'roll, n'en restait pas moins un lieu de production quasi mécanisé destiné à ce que les toiles du maître d'Anvers envahissent toutes les cours d'Europe. Quant à Courbet, l'homme de L'origine du monde, il comptait bien sur une fine stratégie médiatique pour devenir riche et célèbre. Même Van Gogh, l'archétype de l'artiste maudit, mort pauvre et incompris, avait pour protecteur un des plus grands marchands de tableaux de Paris, autrement dit son frère Théo. Ce livre démontre en treize cas courant à travers l'histoire les idées préconçues sur des artistes qui appartiennent à la posterité – et prouve, au passage, que l'appât du gain n'est pas le privilège de la période actuelle.Un voyage dans la grande histoire de l'art remplie de toutes petites histoires d'hommes devenus d'immenses artistes.
Extrait
Extrait du préambule
«Ce qui est prodigieux lorsque tu es un artiste qui marche, c'est que tu fabriques de l'or comme un alchimiste. Tu sais qu'en deux heures de travail tu peux fabriquer de l'or, et c'est une très grande tentation (...) Il y a aussi l'effet des expositions : quand tu as beaucoup de murs à remplir, au lieu de faire trois oeuvres, tu vas en faire six (...) Et puis il y a une autre source de tentations lorsque ton marchand te dit : "Christian, j'ai un collectionneur, quelqu'un de très bien, qui aimerait avoir une pièce de toi de cette série, pourrais-tu la faire ?" J'ai bien évidemment fait ça, ça n'est pas bien mais c'est normal.»
L'artiste français Christian Boltanski se confie publiquement comme le font rarement les hommes de sa profession. Il joue le jeu du confessionnal. Certains y verront une référence au christianisme, auquel son oeuvre fait aussi allusion. Ce pouvoir hors du commun de «battre monnaie» oblige la poule aux oeufs d'or qu'est le peintre ou le sculpteur, le plasticien comme on dit aujourd'hui, à surveiller ses couvées. Boltanski ne cache pas ses tentations. Boltanski ne cache pas non plus son objectif : être un «grand artiste». Il dit : «En fait, gagner de l'argent est une chose très facile si on le désire : si tu mets toute ton énergie à gagner de l'argent, tu en gagnes. Et je suis suffisamment malin pour gagner de l'argent. Par contre, être un grand artiste est une chose extrêmement difficile. Il faut donc savoir où tu mets tes ambitions (...) Et comme je suis quelqu'un d'ambitieux, c'est ce que j'ai voulu atteindre.»
La question se pose alors de savoir : qu'est-ce qu'un grand artiste ? C'est un autre sujet, qui pourrait faire l'objet d'un prochain livre...
Christian Boltanski est franc, malin, ambitieux et intelligent. Intelligent car il résume une grande partie des problématiques de l'artiste à succès lorsqu'il produit. Dans ce livre, j'ai choisi treize exemples qui embrassent l'histoire de l'art de la Renaissance jusqu'à l'ère moderne. Treize chapitres pour treize artistes qu'on peut qualifier de «grands» et qui, à notre époque, sont considérés comme étant au zénith de la leur. Treize récits de créateurs qui ne sont pas spécialement connus pour leur goût du gain - c'est pour cette raison par exemple que j'ai éliminé Dali ou Picabia - et qui, pour une grande part, ont bénéficié d'une actualité récente en termes de recherches ou d'expositions. Ces dernières permettront aux familiers des musées de visualiser d'autant mieux l'oeuvre dont il est question.
Chacun des chapitres, tout comme cette introduction, est amorcé par l'observ