Le Pitch
Présentation de l'éditeur
«Marseille as-tu une âme? À force de la chercher en vain, j’avais fi ni par en douter. Et puis un soir de balade, j’ai compris: comme un vieux truand en cavale, la ville se planque dans un quartier reculé et sans histoire. Sous couvert de banlieue résidentielle, Saint-Marcel dissimule un oppidum vieux de vingt-six siècles, un château fort médiéval, la bastide de la plus grande famille provençale, un couvent marqué par une tragédie, une pagode vietnamienne, une chapelle mystérieuse, les ruines de la plus grande usine de l’âge d’or industriel marseillais, des cités à problèmes et le centre d’entraînement de l’Olympique de Marseille. Perché au sommet d’une butte, depuis les murs du vieil oppidum, je contemple la plus vieille ville de France, qui s’étale devant mes yeux. Et mon regard ne voyage pas dans l’espace, mais dans le temps. Petit à petit, poussée par le mistral, les orages, le soleil, Marseille va se dévoiler, chuchoter son histoire et révéler son mystère et son identité.» François Thomazeau
Entre roman initiatique et fresque historique, Marseille, une biographie raconte un Marseille intime et surprenant, et cerne au plus près une ville à l’identité aussi forte que méconnue. Un texte indispensable pour décrypter la capitale européenne de la culture 2013.
Extrait
L'esprit de Marseille nous a retrouvés à mi-pente. C'est un chemin de pompiers contournant la colline en direction du mont Saint-Cyr. Je me suis retourné pour observer en contrebas les tuiles du château Forbin et Martha m'a rejoint. Elle a tourné la tête, ses cheveux blonds ont flotté dans l'air ralenti. Sur la butte d'en face s'élèvent les ruines dodues du vieux castellum de Saint-Marcel. Elle ne dit rien. Mais je sens qu'elle frissonne. J'ai suggéré : «Redescendons». Nous avons cherché en vain une trouée dans le sous-bois pour approcher du château.
L'esprit nous a suivis dans l'ombre.
Nous avons quitté le «parc». Trois barrières, un banc de bois et un chemin de terre filant vers la colline. Un aménagement de bonne conscience de la mairie de Marseille, soucieuse de respecter son quota d'espaces verts. Nous regagnons la voiture. Lorsque nous l'avons garée, quelques instants plus tôt, des hommes sont venus rôder autour du parking de fortune, un renfoncement de caillasse et de poussière en face de l'entrée du «parc». Comme si ceux du vallon Saint-Cyr n'avaient jamais vu de Mini Cooper immatriculée en Suisse. Nous avons l'air, c'est vrai, de fichus touristes, Martha et un Stetson juché sur sa blondeur, ses lunettes de soleil Emmanuelle Khanh. Et moi, boudiné dans un polo Ben Sherman, hommage snob à une jeunesse dispersée. Les rôdeurs ont disparu derrière une clôture. Puis une voiture grise est venue se mettre à notre hauteur et stationner, moteur en veilleuse, moitié sur la route, moitié dans le fossé. Trois autres hommes mats, encore jeunes, en tenue de travail. Ils nous ont dit bonjour, ont tourné, viré, allumé et jeté des cigarettes, puis sont repartis.
Il n'est pas loin de 18 heures. L'été indien s'évapore. Le ciel tournoie comme un tambour gavé de vieux caleçons. L'air est lourd, la nature silencieuse. Pas de cigale, pas même le bruissement d'une escadre de moucherons. Un grognement sourd semble pourtant monter des entrailles de la colline. Le ronronnement d'un vieux frigo planqué sous la roche. Un faible rayon de soleil écarte les rideaux de nuages. Nous le suivons en direction du mont Saint-Cyr, jusqu'au virage où s'agrippe la pagode. Son portique donne sur un sentier défoncé, tracé en zigzag entre les autels de pierre. Martha ouvre la voie jusqu'au bungalow qui abrite les locaux du plus ancien lieu de culte vietnamien de Marseille.
«Personne». Elle mitraille le décor de son petit appareil numérique japonais.
«On dirait qu'ils sont partis en laissant tout derrière eux...»
Sur la porte de verre, une affichette annonce un loto pour la semaine prochaine.
L'esprit ne nous a pas suivis jusqu'ici. Il n'a pas osé fra