Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Madame Bâ Marguerite est née le 10 août 1947 à Médine (Mali), sur les bords du fleuve Sénégal. Fille d?Ousmane, forgeron, sous-directeur de la chute d?eau, et de Mariama, « traditionniste », c?est-à-dire savante de toutes les choses du passé, Madame Bâ aime la connaissance.Pour retrouver son petit-fils préféré qui a disparu en France, avalé par l?ogre du football, elle présente une demande de visa. On la lui refuse. Alors elle s?adresse au Président de la République Française. Une à une elle répond scrupuleusement à toutes les questions posées par le formulaire officiel 13-0021. Mais nul n?a jamais pu enfermer Madame Bâ dans un cadre.Nom, prénoms, lieu de naissance ? Madame Bâ raconte l?enfance émerveillée au bord du fleuve, l?amour d?un père, l?apprentissage des oiseaux?Situation de famille ? Madame Bâ raconte sa passion somptueuse et douloureuse pour un trop beau mari peul. Enfants ? Madame Bâ raconte ses huit enfants, cette étrange « maladie de la boussole » qui les frappe?Sans fard ni complaisance, Madame Bâ raconte l?Afrique d?aujourd?hui, ses violences, ses rêves cassés, ses mafias. Mais aussi ses richesses éternelles de solidarité, ce formidable tissage entre les êtres.Madame Bâ est d?abord cela : le portrait d?une femme. Une femme africaine, c?est-à-dire une femme qui, plus encore que toutes les autres femmes, doit lutter pour sa dignité et sa liberté.Quinze ans après L?Exposition coloniale, je suis reparti explorer les relations de la France avec son ancien empire. Mais cette fois, c?est le Sud qui nous regarde. E.O.
Extrait
Monsieur le Président de la République française, Jai bien réfléchi : notre ancêtre est un oiseau. « Ô serefana ni yéliné gna », comme nous disons, nous autres Soninkés.
Je me suis éloignée du village, jai marché entre les pousses de mil, jai posé les deux mains sur ma tête pour me protéger du soleil, jai froncé les sourcils pour métirer le cerveau et jen suis arrivée à cette conclusion : celui qui ne remonte pas aux siècles lointains des ailes ne comprend rien à notre histoire.
Evidemment, je pourrais farfouiller encore plus haut dans les souvenirs.
Au commencement était la mer, qui recouvrait lAfrique.
Au commencement était le désert, quand la mer se retira.
Une origine est toujours la fille dune origine plus ancienne.
Mais jai pitié de vous.
Je vous connais. A la télévision je vous ai vus nous rendre visite, pauvres présidents. Jai constaté que vous possédiez tout, sauf le loisir. Tout, motards, Mercedes, hôtesses daccueil et climatisation. Tout, sauf la liberté daller tranquillement chasser la vérité jusque dans les époques les plus reculées. A peine arrivés quelque part, déjà de lindex vous tapotez sur le verre de votre Rolex platine. Déjà votre aide de camp vous murmure à loreille la litanie des prochains rendez-vous. Jen viens donc au fait. Je brûle les étapes. Je les incendie, même.
Au commencement était loiseau. Loiseau volant où bon lui semble. Oublions la mer et le désert, oublions, pour linstant, le fleuve Sénégal qui se mit un beau jour à couler de la montagne secrète Fouta-Djalon. Au commencement était loiseau. Loiseau libre de jouer avec les saisons. Quand le froid se glisse sous mes plumes, je gagne le Sud. Quand le printemps revient au Nord, jy retourne.
Alors lexemple des oiseaux entra dans lame des hommes à peau noire. Nos peuples portent des noms qui sonnent dans lair comme ceux des oiseaux : Peuls, Mandingues, Toucouleurs, Soninkés, Bagadais, Tounacos, Barbicans... Et nos langues se rapprochent de leurs chants.
Comme eux, nous aimons la liberté, parcourir la planète.
Comme eux, nous fuyons la douleur, autant que faire se peut, nous cherchons la douceur.
Comme eux, nous avions des ailes. Hélas, nos ailes sont tombées. Il nous reste la marche.
Monsieur le Président de la République française des armes, des lois et des aéroports, jai, par la présente, le très respectueux et obéissant honneur de tim