Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Surtout, profite de ton séjour aux États-Unis... Yes, all right, répond Sylvie, comme chaque fois. Mais ce n'est pas en jouant au bridge et au tennis, ni en restant enfermée dans sa chambre avec son dictionnaire d'anglais, encore moins en pratiquant le dating avec des lycéens attardés et boutonneux qu'elle va découvrir l'Amérique. La Parisienne de 17 ans, sélectionnée pour un programme d'échange dans un lycée pilote de Chicago, finit par douter : est-ce bien cela, la vie américaine, celle que lui offre sa famille d'accueil bon chic bon genre ? Nous sommes en 1964, les États-Unis sont en pleins bouleversements sociaux. Martin Luther King fait un rêve. Des étudiants se lèvent pour défendre les droits civiques des Noirs, travaillent dans les ghettos et recherchent des volontaires. Sylvie est partante. Elle ne veut pas passer à côté de cette Amérique-là. Celle des pauvres, des marginaux, des exclus ou des artistes qu'elle aborde sans préjugés. Elle va découvrir un autre monde, plusieurs mondes...
Extrait
«Tout rattraper ?»
Il est trois heures du matin. Je me réveille avec une phrase de Frédéric qui me trottait dans la tête : «Réfléchis. C'est le moment où nous pourrions tout rattraper.» J'ai la gorge sèche et le coeur qui bat fort. «Réfléchis, réfléchis», me dis-je, mais je ne fais que ça.
Je me lève sur la pointe des pieds et vais boire un verre d'eau à la cuisine. Les fenêtres des immeubles voisins sont éteintes. Les gens sont plongés dans le sommeil et font peut-être de doux rêves. Je me demande si les insomniaques, à force de remuer toutes sortes de pensées, sont plus lucides que les autres.
C'est à cause de Frédéric que je dors mal. C'est aussi à cause du proviseur à qui je dois donner une réponse demain matin. En buvant mon verre d'eau, j'aperçois mon reflet sur la vitre. «Irai-je ou n'irai-je pas à Chicago ?» Telle est la question que je lui pose, mais c'est à moi, à moi en chair et en os, d'y répondre.
Je retourne dans ma chambre et m'assieds au bord du lit. Il y a trois jours, le proviseur me convoquait dans son bureau et m'y m'accueillait, une lettre à la main : «Lisez-moi ça, Sylvie.» Écrite en anglais, la lettre disait que j'avais été retenue parmi les élèves de première comme «élève d'échange à Chicago» pour la prochaine année scolaire et elle exigeait une réponse rapide. J'ai regardé le proviseur et j'ai dit : «Oui !» Il m'a serré la main. Je ne comprenais pas pourquoi c'était tombé sur moi, je n'avais rempli aucun dossier de candidature.
Le proviseur m'a parlé d'une aventure intéressante : une année aux États-Unis, dans un lycée pilote et dans une famille qui se prépare à me recevoir. «Lycée pilote...» Ici je fréquente un lycée ordinaire. Les cours y seraient en anglais et je devrais rédiger mes devoirs en anglais. Je perdrais une année de cursus normal. Quand je rentrerais, je me retrouverais en terminale, mais l'occasion ne se présenterait pas deux fois : franchir l'océan, découvrir une ville célèbre, suivre un bon enseignement, tout cela sans qu'il en coûte un centime à mes parents. Au dernier moment, j'ai demandé au proviseur de m'accorder un temps de réflexion. «Bien sûr, Sylvie, m'a-t-il répondu, personne ne vous oblige... Je transmettrai votre réponse par téléphone dans trois jours.» J'ai eu honte de ma requête.
- Tu aurais dû accepter sans faire de chichis, m'a dit Réjane. Et si ça te passait sous le nez ?
- Tu veux y aller à ma place ? lui ai-je rétorqué. Elle a dit que c'était moi qui avais été désignée, et qu'elle était contente parce que j'étais sa meilleure amie.
Mes parents, eux, ne sont pas emballés. Ils veulent et ne veulent pas que je m'en aille si loin et si longtemps. Ils trouvent que je me suis déjà trop émancipée, mais ils ne me mettront pas de bâtons dans les roues : ce séjour aux États-Unis pourrait m'ouvrir des horizons. Ma petite soeur souhaite que je reste. Je lui ai promis des cadeaux d'Amérique, un cadeau par mois. Au bout de douze cadeaux, je se