Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Salie est invitée un samedi à un dîner du type «papa, maman et les enfants, plus quelques amis». Mais cette invitation d'une apparente simplicité la plonge dans l'angoisse. Pourquoi est-ce si «impossible» pour elle d'aller chez les autres ? De répondre aux questions banales sur sa vie, sur ses parents ? Salie se lance dans une conversation avec «la Petite», sorte de voix intérieure et de double de la narratrice, enfant. Cette dernière va la forcer à revenir sur son passé, à revisiter son enfance pour comprendre l'origine de cette peur. Salie reconvoque alors ses souvenirs, la vie à Niodior, la difficulté d'être une enfant illégitime, d'endurer le rejet et la violence des adultes, les grands-parents maternels qui l'ont tant aimée...
A partir d'une matière très personnelle et intime, Fatou Diome parvient à créer un inoubliable personnage, Salie. Le roman est l'histoire d'une enfant grandie trop vite et qui ne parvient pas à s'ajuster au monde des adultes. Mais c'est aussi l'histoire d'une libération, car l'introspection que mène Salie pour apprivoiser ses vieux démons, tantôt avec rage et colère, tantôt avec douceur et humour, est salvatrice.
NOTE DE L'EDITEUR : Un grand livre sur l'enfance bousculée et la nécessité d'asseoir sa place dans le monde des adultes. D'inspiration autobiographique, ce roman est en quelque sorte une suite au Ventre de l'Atlantique.
L'AUTEUR : Fatou Diome est née au Sénégal. Elle arrive en France en 1994 et vit depuis à Strasbourg. Elle est l'auteur d'un recueil de nouvelles La Préférence nationale (2001) ainsi que de quatre romans, Le Ventre de l'Atlantique (2003), Kétala (2006), Inassouvies nos vies (2008) et Celles qui attendent (2010).
Extrait
Extrait du prologue
Je m'appelle Salie, les rétines brûlées à scruter la vie, je voudrais m'endormir, mais je ne peux m'empêcher d'écouter les anges de la mémoire qui chuchotent la nuit et me réclament leur vie d'antan.
Je m'appelle Salie, à défaut d'un sommeil régénérateur, je me voudrais sorcière, avec un chaudron assez grand et un feu assez vif pour mijoter les rêves trop durs à cuir. Des rêves aussi forts que des résolutions : apprendre à oublier, regarder devant soi, savourer chaque jour, etc. Que des mots ! Mais des mots au goût miel de forêt. On s'en délecterait bien, à condition d'avoir une légèreté d'abeille. Hélas, les sorcières s'envolent sur leurs balais et me laissent clouée au sol, cernée de mes voeux pieux. N'ayant pas la souveraine volonté des athées ni l'espérance absolue des convaincus, j'interroge mon reste de foi. Dans quelle direction se tourne-t-on lorsqu'on effectue une prière hésitante ? Je l'ignore. Qu'un ébéniste veuille bien m'installer au sommet d'une toupie ! Je sais, qu'après chaque tour, je ferai toujours face au vide. Et, parce que jeter des poignées de sable dans le grand canyon semble plus rassurant que l'observation passive du gouffre, je me dis qu'il n'est peut-être pas vain de prier encore. Sur ma toupie, qui tourne au milieu d'une existence où je navigue sans carte, j'écarquille les yeux. En silence, je prie, comme le chasseur élague sa piste sans être sûr de trouver du gibier au bout. Après chaque prière, une autre prière vient dire combien la précédente a été vaine. Avec une lucidité de parieur, je ramasse mes voeux, un par un, les formule, les reformule, les polis, telles des améthystes, et les dépose avec ferveur au pied de chaque aube. L'offrande faite, je n'en attends qu'une seule récompense : l'apaisement. C'est par là que vient le jour, c'est par là que s'élèvera la lumière mauve qui dissipera les ombres qui me hantent. Encore une prière ! Mais rien n'oblige le crépuscule à honorer les promesses de l'aube. Le soir venant, les ténèbres couvrent tout, sauf les reliefs de la mémoire. On voudrait s'en détourner, mener sa barque au loin, vers une crique tranquille, mais, parfois, les courants en décident autrement. On achoppe sur les souvenirs, comme la barque échoue sur un récif,