Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Lou Andreas-Salomé, Yvonne Printemps, Gala, Dora Maar, Marlene Dietrich, et bien d'autres... Aussi différents que leurs destins aient pu être, toutes auront eu en commun de susciter une véritable passion chez les plus grands artistes des XIXe et XXe siècles, et d'influencer les oeuvres de leur Pygmalion, qu'il soit peintre, écrivain, ou photographe.
L'artiste et sa muse forment un couple indissociable, et l'alliance de ces destins croisés fascine. Farid Abdelouahab brosse ici quelque vingt-cinq portraits de femmes qui, par leur tempérament, leur beauté, leur talent, leur magnétisme, ont subjugué des génies, permettant ainsi la création de certaines des plus grandes oeuvres des deux derniers siècles.
Farid Abdelouahab, écrivain, historien de l'art et commissaire d'expositions, a publié une vingtaine de beaux livres, parmi lesquels Anita Conti photographe et Ces merveilleux carnets de voyages.
Extrait
«Et l'Éternel féminin
Toujours plus haut nous attire...»
Goethe, Faust II
À quand remonte cette fascination toute masculine à la croisée du désir et de l'admiration, cet envoûtement pour la valorisation symbolique de la femme ?
Il n'est pas impossible qu'un tailleur de marbre de la Grèce antique se trouvât sous la forte inspiration d'une jeune fille de sa connaissance lors de l'exécution d'une Aphrodite, passant outre la destination cultuelle et sacrée de son oeuvre. Il est vrai qu'en ces âges gouvernés par des dieux athlétiques, les neuf muses compagnes d'Apollon - ou les dix, si l'on compte Sapho de Lesbos, comme le recommande Platon - ne chômaient pas : descendant du sommet de l'Hélicon avec tambours et trompettes, pourrait-on dire, leur rôle de médiatrices exigeait de promptes interventions auprès des poètes et musiciens, comédiens et rapsodes. L'influence de ces filles de Mnémosyne - la mémoire -, enfantées après neuf nuits d'amour inoubliables avec Zeus, a perduré jusqu'au XXe siècle.
Comme en d'autres pays, les grands poètes delà littérature française, sous le joug du modèle antique, se sont placés durant des siècles sous la lumière de leurs auspices : Joachim du Bellay, Voltaire, Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Paul Claudel pour ne citer que ceux-là, tandis qu'Arthur Rimbaud, l'insoumis, écrivait dans Mo Bohème, à l'âge de seize ans : «J'allais sous le ciel, Muse ! Et j'étais ton féal.» De même, aucun grand courant de l'histoire de la peinture ne manqua cet incontournable sujet. Mais les muses sont tombées, comme bien d'autres divinités, de leurs montagnes paradisiaques. En réaction contre l'art académique et plongeant leurs pinceaux dans les couleurs du quotidien et des temps modernes, animés par l'authenticité du réalisme et la vérité de l'intime, ou bien par les paysages fantastiques des rêves et de l'inconscient, les membres des avant-gardes ont refusé leurs odes, et leurs chants se sont tus. Les peintres impressionnistes, Degas et Bonnard avec leurs femmes attitrées, ou Édouard Manet avec Victorine Louise Meurent ou la comédienne Ellen Andrée, ceux venant du cubisme, Picasso avec ses femmes ou bien les surréalistes, Dali ou Man Ray, élisent leurs compagnes comme muses et modèles. Ainsi, les femmes qui partagent leur vie ou bien celles de passage sont, un temps, placées au pinacle de la splendeur féminine. On connaît d'autres exemples d'épouses de peintres qui jouèrent, jadis, le rôle de modèle privilégié. Ainsi Saskia Van Uylenburgh, la première femme de Rembrandt, le fut à maintes reprises autant que la seconde, Hendrickje Stoffels, tout comme Hélène Fourment, l'épouse de Rubens. Pour certains artistes volages, une muse en chasse une autre, pour d'autres plus fidèles, l'unique se grave dans le marbre de leur existence. Cette individualisation, ce passage de l'exploitation d'une figure mythologique et imaginaire à la focalisation sur un personnage réel avaient été réalisés depuis bien longtemps par les poètes et écrivains. Des muses historiques, que l'on peut qualifier d'a