"Le Pays du Carnaval n'est pas un livre d'images, de stéréotypes aux couleurs de carte postale sur fond de samba, de clichés de voyage pour Européens ou Américains. Si le roman commence par l'arrivée au Brésil en bateau, c'est à une autre époque que la nôtre, à la fin des années vingt. Parmi les passagers revenant de l'Europe prodigue en mirages et génératrice du complexe séduction-détestation, c'est un Brésilien, Paulo Rigger, qui va découvrir son pays. Le Brésil des contradictions, du métissage, des riches propriétaires terriens et des intellectuels, des femmes, de la vitalité populaire. Où est le visage, où est le masque dans cette population en quête de son identité ?Jorge Amado a dix-huit ans quand il écrit Le Pays du Carnaval. C'est le premier roman d'un tout jeune journaliste prêt à s'engager dans les combats politiques. Publié en 1931 au Brésil, le livre n'avait pas alors été traduit en langue étrangère. Puis d'autres romans l'avaient recouvert. Jorge Amado a enfin accepté qu'une version italienne (1985) et une version française en soient données."Alice Raillard.Biographie de l'auteurJorge Amado naît en 1912 à Ferradas, dans une plantation de cacao du Sergipe, au sud de la province brésilienne de Bahia, terre violente que les planteurs se disputent arme au poing. Les Jésuites de Bahia, chez qui il entre en internat à dix ans, voient en lui une vocation de futur novice. Trois ans plus tard, ils disent une messe d'action de grâces lorsqu'il s'enfuit après s'être proclamé athée et bolcheviste. On le retrouve, deux ans après, travaillant dans un journal, puis à Rio de Janeiro où il étudie le droit. C'est en 1931, après l'arrivée au pouvoir du dictateur Getulio Vargas, que Jorge Amado, journaliste débutant, publie son premier roman, Le Pays du Carnaval. Il a dix-neuf ans. Il refusera jusqu'au début des années 90 que soit traduit O País do Carnaval. Sans doute parce qu'ensuite, tout au long de son existence, il refusera le scepticisme condescendant qui caractérise Paulo Rigger, personnage principal du livre : Tout le pessimisme qui transparaît dans ce roman est complètement artificiel. C'est une attitude naïvement littéraire. C'est la même année qu'il se met à militer très activement au Parti Communiste, alors interdit au Brésil. Sa vie, dès lors, n'est qu'une suite d'exils, d'errances et de retours. Emprisonné une douzaine de fois, ses livres brûlés et interdits, contraint de s'exiler en Argentine en 1941, puis de retour à Bahia en 1943 lorsque le Brésil se range aux côtés des Alliés contre l'Axe, élu député communiste en 1945, de nouveau contraint de s'exiler en 1948 lorsque le Parti Communiste est ré-interdit, réfugié en France, expulsé de France et interdit de séjour pendant 16 ans, militant itinérant dans les démocraties populaires durant la guerre froide, revenu au Brésil après avoir reçu le prix Staline... Il ne faut donc pas s'étonner que ses premiers livres reflètent son engagement ; Cacao, Suor, qui décrivent la misère et l'oppression des classes populaires brésiliennes. Pourtant à partir de Bahia de Tous les Saints (1935) et de Mar Morto (1936), le souffle épique l'emporte sur l'aspect militant, sans pourtant le diminuer mais en échappant au communisme romantique des écrits de jeunesse qui teintait quelque peu ses personnages de superficialité. C'est 1954 qui marque le véritable tournant : il décide de s'éloigner du parti pour écrire Gabriela, girofle
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