Il faut prêter l'oreille aux stridences et à la polyphonie chatoyante du sacre de ce printemps de la Grèce, pour entendre la réponse aux questions : "Qui sommes-nous ?" et "D'où venons-nous ?". On ne peut, en effet, entrer dans les pensées achevées des grands maîtres du IVᵉ siècle, tels Platon ou Aristote, si l'on n'observe pas la manière dont les sciences rationnelles (arithmétique, géométrie, stéréométrie, harmonie, astronomie, éthique, politique, esthétique, médecine, etc.) ont pris naissance. Et parfois, ô surprise ! l'entêtant parfum des fleurs l'emporte sur la saveur des fruits. La conscience de cette nécessité avait conduit le philologue H. Diels, en 1903, à rassembler dans un ouvrage unique les fragments des présocratiques, en soulignant combien "il est indispensable d'observer le processus de développement de la pensée grecque en ayant sous les yeux les textes originaux", au moment qu'ils naissent. L'intérêt croissant que notre époque porte désormais à la formation et à l'ordre de notre culture exigeait depuis longtemps que l'accès aux archives de la philosophie fût rendu plus aisé par le truchement d'une traduction complète, s'il est vrai que - ainsi que le notait encore H. Diels - "un choix arbitraire est considéré par les enseignants et les enseignés comme une attitude astreignante et restrictive". Cette littérature foisonnante concerne plus de soixante-dix philosophes, prédécesseurs ou contemporains de Socrate. Les textes en sont empruntés à plus de quatre cents auteurs antiques postérieurs, écrivant principalement le grec ou s'exprimant en latin. Pour être tout à fait complet, l'ouvrage présente trois sortes de textes : les témoignages relatifs à la vie, aux oeuvres et à la doctrine ; les fragments ou citations conservées des livres perdus ; les imitations enfin - voire les faux - qui permettent à la fois d'apprécier l'influence qu'une pensée a pu exercer sur la postérité ou comment cette pensée a créé une tradition. Les textes originaux, en prose ou en vers, offrent à qui s'y risque de nombreuses difficultés : leur forme est marquée d'archaïsmes et les dialectes ionien et dorien y occupent une large part. La traduction, naturellement soucieuse d'exactitude technique, s'efforce de restituer la très grande diversité de ton propre à ces pages dont la variété demeure frappante. Des notices concernant chacun des auteurs, des notes, une carte de la Méditerranée présocratique et une liste des quatre cents auteurs dont sont tirés les témoignages et les fragments ont l'ambition de rendre ce trésor littéraire et scientifique accessible à un lecteur qui n'aurait pour seule arme que sa curiosité. Depuis H. Diels, la littérature présocratique a fait l'objet de nombreuses éditions et études philologiques ou philosophiques dont une bibliographie restitue l'importance. Notons toutefois que la collection complète - toujours dispersée ou fâcheusement sélective - n'était pas lisible dans une langue moderne. Ajoutons enfin, pour marquer l'importance de cette édition, que certaines des pages contenues dans ce volume n'avaient jamais été traduites jusqu'ici, dans aucune langue.
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