Le Pitch
Présentation de l'éditeur
Au début des années quarante, Xu Dawei, un jeune lettré hérite d'une demeure traditionnelle à Suzhou, "la Venise chinoise" située non loin de Shanghaï. Imprégné des idéaux socialistes, Xu Dawei introduit, avec l'aide de son cousin - et narrateur de l'histoire -, un groupe d'étudiants dans la maison aux jardins émaillés de collines et de roches artificielles, de pavillons et de stèles. Autour de la demeure se cristallise la tourmente révolutionnaire chinoise. Au début des années soixante, la grande propriété, devenue en partie manufacture, en partie squat prolétarien, se bidonvillise... A mi-chemin entre roman et autobiographie, Lu Wenfu retrace, avec humour et amertume, l'histoire des intellectuels dans les turbulences inouïes de l'aventure maoïste. Xu Dawei et sa bande des sept incarnent l'esprit de la Chine nouvelle, de ses élites progressistes, trahies aussi bien par les nationalistes que par les communistes, cent fois rééduquées et parfois survivantes et témoins. De cette œuvre, imprégnée par la poésie des romans classiques chinois, émanent la tendresse et la fidélité émouvante que Lu Wenfu éprouve toujours pour ses personnages et leurs idéaux de jeunesse.
Extrait
Après que Xu Dawei avait été déclaré droitier, on lavait condamné à transférer sa carte de résidence à son lieu dorigine, et aux travaux forcés sous surveillance. Or son lieu dorigine était le Jardin de la famille Xu ; cétait un peu une farce car, à lépoque, on était envoyé à la campagne pour y être rééduqué par le travail, personne navait jamais été transféré de la campagne vers la ville. On ne sait qui lui avait donné ce coup de pouce et lavait réexpédié en ville tout en envoyant quelquun pour rester en contact avec lui. Lin Awu avait donné son accord sans hésiter : «Aucun problème, nous lacceptons et garantissons que nous surveillerons sa rééducation par le travail manuel, afin quil fasse peau neuve. »
Cest ainsi quavec les siens il avait quitté ce petit village de montagne sur les bords du lac Taihu pour revenir à Suzhou. À lépoque, cétait un exploit extraordinaire car, en ville, il y avait toutes sortes dapprovisionnements planifiés, et même dans les moments les plus difficiles, on ny mourait pas de faim. [...]
Au départ, Xu Dawei fut employé comme homme à tout faire, il gravit tous les échelons jusquau neuvième grade, en passant par les postes de tourneur, dajusteur. Il faut expliquer cette qualification sans quoi on ne peut comprendre lhumour qui lui est sous-jacent et qui est directement lié au contexte de lépoque, ceci étant vrai dailleurs pour de nombreuses autres expressions. En ce temps-là, il y avait huit échelons qui classaient les ouvriers selon leur niveau technique. Les mauvais éléments de la société avaient été divisés en neuf catégories, à savoir : les propriétaires fonciers, les paysans riches, les contre-révolutionnaires, les mauvais éléments, les droitiers, les traîtres, les espions, les gens du parti engagés sur la voie du capitalisme, les intellectuels. Ces derniers, placés tout à la fin, avaient la plus mauvaise réputation, on les avait appelés les «vieux neuvièmes puants». Toutefois, quand ils furent nombreux à être envoyés travailler à la base dans les usines, comme ils apprenaient très vite les techniques, ils se retrouvèrent au-dessus du lot. Aussi, par boutade, de «vieux neuvièmes puants» ils furent baptisés : «les ouvriers de la neuvième catégorie», un peu au-dessus de ceux de la huitième. Si les dictionnaires ne font pas entrer cette rubrique dans leurs colonnes, dans quelques dizaines dannées, personne ne comprendra plus ce quelle signifie, ni lhumour complexe qui lui est sous-jacent.
Un mot de l'auteur
Lu Wenfu, né en 1928 près de Suzhou, dans le Jiangsu, est célèbre en Chine depuis les années cinquante. Plusieurs fois soumis à la critique et envoyé en rééducation à la campagne en 1965, il se remet à écrire à partir de 1978, publiant de nombreux rom